J'attends encore le moment ou quelqu'un débarquerait pour dire « Mais non ! C'est une blague ! » et puis on rirait en se disant qu'on a quand même eu bien peur mais que la blague était trop marrante parce qu'en fait la blague c'est que c'est même pas vrai et qu'on a cru que ça l'était.

Pourtant, les esprits existent. J'en suis sûr, parce que sinon le vent n'existerait pas. Le vent, quand il se transforme en tempête, c'est quand les gens qui sont plus sur terre sont en colère. Quand il souffle doucement, c'est qu'ils sont contents et qu'ils s'amusent à nous chatouiller. C'est logique, alors c'est possible.

Karah, lui, est plus courageux que moi. Il ose parler, demander à l'esprit ce qui va pas, alors que moi, je serre sa main et celle de Makimita. Je suis pas tout seul. On est tous ensemble et tout ira bien. Y'a pas de raison que ça se passe mal. On est plus nombreux qu'un esprit, alors on peut se débrouiller si on se serre les coudes.

Sauf qu'à un moment, une dame, celle qui a l'air de s'ennuyer et se demander ce qu'elle fait ici, s'approche et demande de quoi l'esprit a peur. Mo Beru ? Un truc qui veut dire qu'il a peur ? Pourquoi ? De quoi un esprit peut avoir peur ? Un esprit, c'est fort et ça peut avoir plein de pouvoirs super puissants. J'aimerais bien l'y voir, tiens !

Sauf que l'esprit sort de la chose en bois. Il est réel. Si quelqu'un avait jeté de la magie noire, on l'aurait entendu prononcer un sort. Je frissonne. Il fait super froid. On est tous enfermés avec un esprit et eux arrivent à lui parler et à lui poser des questions comme si de rien n'était. Je me dis qu'avec un peu de chance, si on montre qu'on est gentils, il nous laissera partir et on pourra le laisser tout seul chez lui. Je regarde Karah et l'imite, comme lui a eu le courage de parler à l'esprit. Peut-être qu'il est pas si maléfique que ça, dans le fond.

─ Monsieur Orok, si vous nous laissez sortir, on vous embêtera plus jamais. On veut pas vous faire du mal, c'est promis.

Je sais pas ce que j'ai dit, mais je l'ai dit. Je suis pas un lâche, moi ! Parce que même ceux qui ont peur – même si j'ai pas peur – doivent être forts. En plus, la fille a raison : on fait comment si on veut faire pipi ? On va pas rester là enfermés, en plus avec celles qui sont en colère et celui qui sent le poisson y'aura de quoi mourir d'ennui.

Spoiler :