feat. Genzo Harada

Les premiers mots vibrèrent dans le cœur du bonze, ceux qui suivirent aussi. Ses yeux s'arrondirent face au surprenant éclat du japonais, s'écarquillant très légèrement. Ils s'écarquillèrent un peu plus au doigt sur ses lèvres qui le dissuadait de sortir un seul mot pendant que le borgne se libérait de ce qui le turlupinait. Il l'écouta attentivement ; après tout c'était ce à quoi il excellait, écouter puis conseiller, entendre puis cheminer. D'habitude, il était plutôt stable, tranquille. Il l'était toujours dans ce cas aussi... seulement, avec le japonais qui voltigeait ainsi, il ne put s'empêcher de se sentir troublé. Troublé, et puis...

Uh. Pourquoi... Pourquoi son propre cœur venait de faire un bond plus pressé que les précédents comme pour résonner avec les mots de Genzo ? Faut dire que pour garder le rythme avec un tel danseur, il faut avoir le cœur bien accroché. N'est-il pas censé être un chanteur, bon sang ? Thadas avait l'impression que tout n'était que tango verbal, quand il était question d'eux. C'était la danse du jeu, la danse des fauves, la danse des jeunes et la danse des fous. Fous de savoir, fous de faim, fous d'amusement et de découverte.

Il n'empêche... C'était littéralement une déclaration qu'il venait de lui faire ou... il se trompait ? Non non, il devait se tromper. Ou pas ? Non... Eh bah merde, il ne savait pas. Il ne s'était jamais vraiment penché sur ce genre de questions, vous savez ? Ça avait toujours été plutôt l'aspect charnel qu'il avait quêté jusqu'ici, pensant qu'il se suffisait à lui-même... Avec un ego comme le sien en même temps, ce n'est pas dur à croire. C'est donc... donc... Merde, ce n'était pas le moment de se plonger dans un délire d'auto-analyse psychologique. Thadas n'arrivait pas à se détacher du regard du brun, sa peau surprise et appréciative de la taquine caresse, son âme aussi.

"....... Princesse Thadas ?"
Haa. Sourcil interrogateur, puis rapidement...

Un sourire s'esquissa sur les lèvres du prêtre, puis se dessina plus franchement jusqu'à former un mouvement très doux dans son visage. Doux, amusé et sincère, vrai. En fait, la douceur était venue avant le sourire, venant siéger dans son regard pétillant de vie malgré les cernes. C'est son sourcil légèrement froncé  ainsi que l'éclat dans son œil qui traduisirent son léger amusement face à la manière qu'avait le voyageur d'habiller les choses. Mais Thadas sentait sa sincérité - c'était peut-être pour cela qu'elle vint se refléter sur son propre visage.

- Tout ce tracas causé par ma simple existence ?

Il le taquinait pour le rassurer et le jaugeait pour voir s'il restait des choses qui pesaient présentement sur lui. Il ne jouait pas la comédie, il le savait... Et... ça marquait une nette différence avec le début de leur première rencontre. Il lui montrait enfin qui il était vraiment et non plus un rôle incarné. Il ne savait pas si c'était un piège pour l'heure, mais il savait que ça lui plaisait.
Kokleep s'arrêta à côté de la petite source d'eau qui se faufilait sur terre qu'avait mémorisé Thadas, claire comme du cristal. Ils venaient justement d'arriver à leur lieu de pause.

- Alors... Est-ce qu'en parler t'en a libéré ?  , demanda ensuite le religieux, toujours entre le joueur, l'attentionné et le vigilant. Les rênes dans une main... l'autre vint effleurer Genzo à l'emplacement du cœur, très délicatement. ... Et lui ?

Ils mettraient pied à terre et s'installeraient, puis il se chargerait de ce que Kokleep soit parfaitement à l'aise avant d'aller lui-même récupérer quelques miettes de sa nuit tempétueuse... Mais en attendant il voulait être sûr qu'il avait aidé Genzo à se clarifier les pensées et ressentis. Purée, il ne pouvait pas s'en empêcher hein ? C'était un miracle que son ego absolument ravi par les mots du faux bonze ne soit pas venu faire n'importe quoi dans leur situation, il n'empêche que son souci de son prochain est vachement ancré en lui. Surtout quand son prochain est une panthère aussi imprévisible que fascinante comme Genzo, ça il devait bien se l'avouer. Il... l'aime... bien...

Entre nous, c'est assez cousu de fil blanc pas vrai ?

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feat. Genzo Harada

Pour la deuxième fois depuis le réveil du trublion, le bonze sentit ses yeux s'arrondir. La raison ? Sa main venait de se faire prendre en otage. Littéralement ! Les souvenirs de la première rencontre vinrent en flash-black se superposer avec la sensation de ces lèvres sur sa peau ; sensation qu'il avait déjà connue. Il n'aurait pas dû... se sentir troublé, non, en fait il avait très franchement failli se sentir troublé et cela même s'afficher sur son visage. C'était tout doux... Comme une petite brise de midi en plus matérielle et plus... plus genzesque. Oui, il fallait inventer un adjectif pour correctement traduire la situation instillée par eux deux.

Par eux deux... ou par les dieux ? Il n'en savait rien, fichtre !
Qu'est-ce qu'on lui demande de réfléchir quand il sent déjà la fatigue de ces heures de voyage et d'attention alerte avec un morceau de nuit en moins venir lui assommer les pensées ? Purée, il savait qu'il n'aurait pas dû regarder l'herbe tendre et grasse qui promettait d'être un parfait matelas... C'est pour ça qu'il était plus sensible qu'il ne devrait l'être aux taquineries du monsieur - ou madame comme il lui avait soumis au début de ce voyage -? Ouais, ça devait être ça. Bon, il verrait ça après. Les jambes libérées, il descendit à la suite du japonais pour le plus grand soulagement de la brave Kokleep. Il ne perdit pas son temps et, tout en écoutant et jetant quelques fois des œillades vers son comparse, s'occupa d'enlever les rênes pour que la jument puisse boire sans être gênée.

Thadas s'était senti dresser une oreille au terme "partagé", en lui. En fait, il dressa l'oreille tout du long... Et se figea dans ses gestes à la suite, plantant ses ambres dans ce faciès qui se tendait un peu plus vers lui.
Gnn. Le tigre en lui grogna vaguement, n'osant pas détourner son regard pour ne pas montrer de faiblesse devant les yeux si vifs de la panthère. Thadas lui, étudia la question et laissa un sourire carnivore détendre une ligne sur ses lèvres, alors qu'il glissait son sac de ses épaules pour y plonger sa main. Ses yeux se plissèrent... Il se pencha, lentement, ses mots atteignant sa cible dans un souffle ingénument sensuel : l'oreille du diablotin. Son aura se fit plus imposante, plus sinueuse, pulsant à travers celle du borgne.

- ... Tu crois ?

Il plaça le sac de provisions dans les mains de ce dernier, en sortant une brosse pour Kokleep, s'éloigna en gardant son sourire aussi dangereux que nonchalant, yeux toujours tranquillement plissés.
Si le brun commençait à lire trop bien en lui, il était cuit. Un petit pas de danse habile et le tigre se mit en dehors de troubles... pour l'instant. Danser et faire danser la panthère était toujours plus aisé que de laisser son esprit se faire déchiffrer par elle comme si elle l'avait toujours connu. C'était plus rassurant aussi...

Il ne connaissait pour l'instant pas assez bien l'individu pour être sûr qu'afficher n'importe quoi qui pourrait être tourné en faiblesse ne soit pas un peu risqué. Ça n'atténuait en aucun cas son envie visiblement partagée de jouer et d'apprendre à le connaître. Il voulait en découvrir plus sur lui...
Thadas était rassuré que partager ait fait du bien à Genzo, et même franchement satisfait d'avoir pu l'aider un tant soit peu. Putain il se sentait bizarre... Vivement qu'il fasse une sieste pour se recomposer correctement les pensées. Non mais faut dire qu'entre la fatigue et le pic de pulsions d'un peu plus tôt, y'a de quoi sérieusement lui embrumer le cerveau au bonze s'il ne se pose pas enfin.

Avant de se sustenter, il veilla à d'abord brosser la robe de l'équidé pour la débarrasser de la poussière de la route et la soulager de la transpiration de ses efforts, la papouillant en même temps avec beaucoup de douceur. Cette brave Kokleep méritait toutes les attentions du monde. Ça lui donnait envie de raconter à Genzo comment leurs chemins s'étaient croisés à lui et la jument, tiens... Mais ça attendrait qu'ils se soient reposés. Thadas gratouilla l'oreille de la jument en murmurant :

- Merci ma belle...

Se tourna de nouveau vers Genzo. Il hésita...
Allait-il manger avec lui ou s'écouter et s'allonger, et s'occuper de ce paramètre à son réveil ?

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feat. Genzo Harada

Les épaules du bonze se relâchèrent quand Genzo coupa court au bref dilemme entre les différents besoins de son corps. Kokleep le regarda s'éloigner puis retourna s'abreuver et faucher quelques herbes qui lui chatouillèrent les gencives, le souffle plus apaisé. Thadas s'assit à côté de son comparse et, juste alors qu'il faisait mine de s'allonger, perçut l'invitation.
Il va... Il va vraiment lui chanter une berceuse ?

Il ne sut pas pourquoi, mais il se sentit embarrassé. Il ne sut pas plus pourquoi, mais il pivota légèrement pour poser délicatement sa tête sur cette cuisse qui... Faisait office de bon oreiller ma foi, puisqu'on la lui proposait. Avec option karaoké, si c'est pas beau ! Haha... Il se sentait décidément bizarre. Il l'avait bien troublé, ce bandit paré en prêtre. Merde, son corps venait de s'installer tout seul sur cette masse chaude pas vrai ? Un frisson parcourut son échine - probablement dû à la fatigue. Il croisa les bras sur son torse et se mit confortablement... Quitte à être dans cette position, autant en profiter un maximum. Ça ne semblait pas être un piège... Et piège ou pas, son corps lui paraissait bien trop engourdi pour qu'il ne bouge pour l'instant.

Il était bien, là, se rendit-il compte. Bercé par cette aura, bercé par la douceur d'Iseda, bercé par cette voix suave, bercé par des images qui semblaient venir d'ailleurs tout en étant familières. Il se demanda ce que pouvait bien être un lampadaire... Il avait tellement de mots en tête qui lui étaient inconnus. Le pontife garda les yeux entrouverts pour observer le chanteur alors que sa mélodie se frayait un chemin dans son esprit brumeux. Ça lui chatouillait les tympans et l'âme...
Il se sentait embarqué, petit à petit. Peut-être rêverait-il de ces contrées qui semblaient miroiter dans les yeux dépareillés de son compagnon.

Prudence mise à part, il sentait un sentiment de sécurité fleurir quelque part en lui, discret et rassérénant.

Ouaip. Il se sentait définitivement bizarre.

Ça devrait aller mieux à son réveil. Il réfléchirait avec toute la rationalité dont son esprit est doté et l'associerait avec son intuition.

Il songea qu'il aimait vraiment bien cette voix. Il y avait quelque chose de familier dans son empreinte. Ça le détendait... Ça le faisait frémir, quelque part en lui. Il ferma les yeux...

Il crut percevoir des songes d'autres vies alors qu'il se sentait lentement tomber ou s'élever.
Sa dernière pensée fut qu'il espéra la chanson continuer.

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Pendant que le narrateur profitait d'un show des plus genzesque, se retrouva plongé dans des songes profonds un bonze aux cernes marquées - ce cauchemar des princesses. Ça, ou les chaussettes-sandales, au choix. S'il sentit le visage de son corps matériel se faire chatouiller par la caresse de cheveux et ses propres cheveux se faire manipuler, ça ne le tira pas plus de sa torpeur que ça.

"Quel gâchis de s'arrêter là." aurait sans doute pensé Thadas-conscient quand le chanteur avait cessé les vibrations de sa voix, en réponse aux paroles de sa chanson. Mais il était déjà plongé dans sa sieste, et si certes ses instincts rendraient probablement son sommeil largement plus léger dans quelques minutes si danger il y a, pour l'instant le bureau était fermé. Vous voyez le petit panneau "Closed" ? Bon c'est écrit en ijobien, mais moi je suis là pour vous le traduire, c'est-y pas beau tout ça ?? En toute objectivité, les traits paisibles du bonze aussi, étaient beaux. C'est fou comment son corps se sentait assez en confiance pour se laisser assoupir à côté de - non, pire, sur ! - cet homme. Son esprit aussi sans doute, inconsciemment. S'il suffisait d'une panthère et de quelques heures de sommeil en moins et heures de voyage dans le dos en plus pour l'apprivoiser, il l'avait belle le bras-droit de la Reine.

Apprivoiser ? Hein, quoi ? Mais non... Ça s'apprivoise pas un tigre, non ?

Pour une raison inconnue, dans le brouillard paisible de sa somnolence, le dessin d'un parapluie abritant deux formes inconnues de l'ijobien remonta à la surface, imprimé dans l'écorce d'un arbre. Il n'en gardera qu'un vague souvenir à son réveil, souvenir vite balayé par toutes les préoccupations du présent.

Cela ne marchera jamais...
Il avait l'impression d'avoir déjà entendu ces mots quelque part. Mais il dormait là, pas vrai ? Il flottait agréablement. Il se sentait vaporeux... Non... C'était dans ce genre de moment où l'on ne se sentait tout simplement plus. Pas forcément comme pris dans la galaxie d'une belle nuit mais plutôt engourdi comme un sac de sable ballotté par la mer, sans la sensation d'humidité. Pendant sa courte heure de sommeil, il eut le sentiment de se souvenir de quelque chose pour l'oublier l'instant d'après. Il eut cette sensation hagarde que plusieurs images parallèles tentaient d'atteindre la surface de son esprit, cependant, la durée était trop serrée pour une telle propulsion. Son souffle était presque imperceptible, mais tranquille.

Si la chanson avait définitivement bercé le bonze, elle avait tout aussi définitivement détendu Kokleep qui observait de ses grands yeux bruns Genzo tout en mâchant son herbe. Elle avala en claquant occasionnellement de la queue pour éloigner quelques mouches emmerdeuses, continuant de brouter paisiblement. Le coin était calme. Ils étaient à l'ombre, l'air se faisait doré sous les rayons du soleil. Les grillons chantaient avec d'autres insectes, accompagnés de quelques oiseaux plus ou moins tropicaux. C'était calme, et à la fois omniprésent. Un tout, et un un. Et ils faisaient partie de tout cela.

- ...

Éventuellement, Thadas rouvrit les yeux, son mental bien trop soucieux qu'ils ne perdent du temps par sa faute pour traîner plus qu'il ne le faut dans la somnolence. Sa respiration se fit plus profonde et, sans qu'il ne le veuille, quelques notes, à peine un souffle, sortirent de sa gorge. Peut-être ne devrait-il pas se sentir si apaisé. Elles sortirent pourtant, bien avant que sa conscience ne soit correctement en place dans son crâne. Ses yeux entrouverts fixèrent et fixaient le ciel.
Ses bras bougèrent et son torse se redressa lentement, quittant le confort d'auparavant. Il émergeait.

- Pardon... Je suis resté comme ça longtemps ?

Il savait que non, mais pour la forme... oh. Il se passa une main sur le faciès, lentement, et pivota sa tête vers le prêtre borgne, sa main remontant dans ses mèches rendues plus lâches - comme destiné. Ça lui avait semblé beaucoup trop naturel de se poser sur lui pour dormir... Thadas soupira un coup intérieurement, inspira un coup extérieurement.
Il va sérieusement falloir qu'il se reprenne, il ne peut pas agir n'importe comment sous le prétexte de la fatigue. Ni sous celui des pulsions. Ni...
Pfft, pourquoi se mentir à lui-même ? Un tigre de Grand-Prêtre reste un tigre, quand il veut quelque chose il le prend s'il le peut. Il savait qu'il n'avait pas réfléchi plus loin, une heure plus tôt. Devait-il s'en vouloir ?
Non, il préférait profiter de cette paix à l'âme que ça lui avait apporté, même brièvement.

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feat. Genzo Harada