Ses épaules se détendirent progressivement, à nouveau. La nuit commençait à l'englober en même temps qu'une flopée de nuages. Loin de s'en retrouver perturbé, ça lui fit le même effet que la dernière fois qu'il avait ressenti autant de vent, et aussi vite... Il se sentait presque mieux de se sentir prendre des claques par ce vent levant que d'avoir un nuit magnifiquement étoilée, paisible et simplement poétique. Là, son corps reprenait ce qu'il était le plus en cœur de faire. Comme une réponse à son envie d'enclencher son cerveau, il se retrouvait dans une situation proche de la survie, là, maintenant. Merci à toute divinité s'étant dit que c'était le bon moment pour faire sortir cette tempête, elle a pas eu tort. Il ne put s'empêcher de sourire avec un calme et une aisance dérangeante.

Avait-il à ce point besoin des problèmes pour se sentir en confiance ? Il prit une grande inspiration et se concentra calmement ensuite. Il n'avait pas marché longtemps, il lui suffisait d'opérer une marche arrière pour retrouver son chemin. Il n'avait pas une mémoire de bébé poisson rouge, donc ça devrait aller pour ça. Non, ce qui l'inquiétait le plus était tout autre chose.

Au loin, il entendait du bruit, comme des râles, aucune idée de ce que ça pouvait être, mais une chose était sûre... Cette créature souffrait. Dire qu'il s'en fichait, serait parfaitement juste. Il n'en avait que faire d'aller sauver la veuve et l'orphelin. S'il passait devant tant mieux, mais il se précipiterait pas naturellement vers cette personne. Cela lui ferait ni chaud ni froid de la laisser dans l'état dans lequel elle est... Après tout, on doit s'occuper de sa propre sécurité en premier et là, il n'est pas safe.
Sauf qu'il s'était fait la promesse d'éviter d'agir comme un connard égoïste. Cette promesse, il l'avait d'ailleurs faite suite à la conversation avec un certain bonze de mes couilles. Bonze qui allait d'ailleurs forcément vouloir aller sauver ce truc. Il passa une main dans ses cheveux, bha mon pauvre Genzo, tu vas devoir être... gentil.

Enfin bon, avant ça, il devait retrouver son compagnon de route. Il prit une inspiration à nouveau et commença à revenir doucement sur ses pas. De toutes façons, avec la force du vent dans la gueule, il risquait pas de réussir un marathon. Il appuya ses pieds vers l'avant, l'un après l'autre, forçant plus qu'il ne l'aurait cru. Hey, c'est bien une tempête hein ? Pas un putain d'ouragan de merde là ? Il allait pas se taper un ouragan maintenant ? Sans déconner, pas de problème pour une tempête, il ferait un coconing avec Thadas et Kokurepu  – après être allé voir ce truc – mais un ouragan c'est plus chaud.

Grognant, il se reconcentra sur sa marche. Qui avait dit qu'être un poids plume était une bonne chose putain ? Vous avez vu la difficulté qu'il a à marcher ? C'est pas ouf comme dirait l'expression. Il se rendit compte en marchant qu'il n'avait pas douté une seule seconde sur la situation du Grand-Prêtre. Il allait bien, ce n'était pas une question. Son esprit n'avait même pas mis en place des situations où ça ne serait pas le cas. Pourtant, il y en avait des possibilités qu'il lui soit arrivé malheur en quelques minutes. Seulement, son cerveau ne voulait simplement pas l'entendre. Thadas allait bien. Ce n'était pas une question. Celui qui lui dirait le contraire, il lui aurait ri au nez.

Mais la vérité derrière ça, c'est bien qu'il n'osait pas imaginer l'inverse. Pourtant, ça aurait été le moment parfait pour fuir et être libre hein ? Pourquoi revient-il docilement sur ses pas puta –
Il entendit la voix du prêtre hurler son nom, il prit une respiration et beugla :

« ON DIT MADAME ! »

L'ayant trouvé grâce à sa voix, il sentit son corps poussait un peu plus sur ses muscles et débutait comme une petite course. Il essaya de rapidement se retrouver avec lui, à ses côtés. Même s'il allait ensuite se suicider aider quelqu'un peu importe, il devait le retrouver avant. Il sentit malgré lui un poids partir de son mental alors qu'il savait maintenant que le spirituel allait bien. Même s'il ne le voulait pas, le voilà rassurer, au fond, très au fond, de lui-même.



Arrivant au bout de sa course, sa main se leva en même temps que ses lèvres formèrent un sourire lumineux au beau milieu du noir épais de ce ciel. Il la secoua et hurla :

« Là ! THADAS ! »

Avec un dernier effort, il rejoint son partenaire. Contrairement à sa première intention, il ne lui sauta pas dessus avec un grand rire, s'arrêtant en court de route alors qu'il se souvient qu'il devait éviter d'être trop … juste trop avec le Grand-prêtre. Il devait faire des efforts pour ne pas se sentir trop à l'aise. Sauf que ça faisait du bien de le voir en vie, et... juste là devant lui. Il se sentait con putain, diablement con. Est-ce qu'il était heureux de le revoir... ? Après 20 minutes de séparation ? C'était quoi ça ? Bon, ok il y avait peut-être une tempête entre eux juste avant mais... ça n'excusait pas son attitude de chamallow.

« Content que tu aies bien. » Voilà, il l'avait dit et c'était pas mielleux, on passe à autre chose. Pitié !!

La main fit ronronner la panthère en lui. Il la vit limite faire un tour autours de la patoune. La seule chose qu'il se demanda fut quand ? Bon sang, quand avait-il libéré cette putain de bestiole ? Il soupira en voyant la motivation de ce superman local à sauver la veuve, l'orphelin et le pingouin. Il ne retient absolument pas sa petite tête blasée en voyant ça. Oui, oui, il avait entendu. Regarde il hocha la tête pour te dire qu'il sait. Il savait aussi qu'il allait devoir franchir une putain de tempête pour ça. Bon sang, il se sentait déjà ennuyé de la situation. Il n'était pas un héros, il n'était pas quelqu'un de bien, pourquoi devait-il...

Ok Genz', arrête de râler, commence à voir le positif. Tu vas clairement pouvoir profiter de la situation pour rester coller à Thadas en disant que tu risques de t'envoler. Sauf qu'il faut le faire avec un peu plus de stratégie sinon il va illico presto t'envoyer avec Kokurepu. Justement, là, c'est le plan, si c'est le vent le problème, il faut surtout pas le lâcher. Avec rapidité, il attrapa la main du plus grand et lui offrit un léger sourire tout doux.

« J'ai failli m'envoler deux fois, je préfère m'accrocher à toi. »

Voilà, comme ça tu peux profiter de cette main dans la sienne, de la chaleur douce-amère de te laisser transcender par une simple poignet de main, par la chaleur qui s'en dégage et la rugueuse peau qui l'entoure. Enfin rugueuse, il n'avait pas une main de paysan non plus, bien au contraire. Il ressentait le pouvoir et la richesse juste en pouvant caresser le haut de sa main comme il le faisait là. Il n'avait aucune honte à faire ce qu'il était actuellement en train de réaliser. S'il devait tenter leur vie à sauver quelque chose d'inconnu, autant que ce soit de la bonne manière et en profitant de ce qu'il avait de plus intéressant.

Il répondit ensuite à la question avec un peu plus de sérieux, même s'il laissait volontairement la bonne humeur de cette poignée de main palpable autours de lui. T'as compris Thadas ? Occupe-toi de moi... Une vraie panthère, même dans les côtés excentriques hein. Il avait pas dût être assez au centre de l'attention quand il était petit ce gosse. En même temps, avec la tripoté de gosses autours de lui, il en avait mis du temps à sortir du lot. Surtout Harathi... putain, elle avait beau être toujours derrière lui avec des grands yeux, cette gamine prenait toujours l'attention sur elle. Bordel.

« J'ai la faucille. Mais je peux me battre si besoin. » Il sourit amusé : « T'es adorable à t'inquiéter. Un vrai gentleman dit moi ? » Il rit, clairement pas inquiété plus que ça de la situation – en tout cas en apparence. Sa main se serra sur la sienne.

Le borgne se rapprocha du bonze et mit une main sur son bâton pour le stabiliser correctement. Il avait plus ou moins compris comment ce truc fonctionnait – c'était juste un instrument de musique on est d'accord ? En tout cas, les sons qui en sortaient aller pouvoir leur indiquaient les coins à éviter sur une courte distance. C'est tout ce dont il avait besoin avec le sable, la mousse et tout ce qui était capable de voler autours d'eux. Par contre, ce bâton devait rester stable et eux, devait rester ensembles. Il redressa son visage vers le bonze :

« Je le tiens. » Il songea un instant à sa boussole mais ce dit que pour le moment c'était inutile. Il la sortirait pour revenir sur ses pas, décidant que dès maintenant il la mettrait mieux en usage. Il allait pas se retrouver mort à cause de l'orientation. « Sur la droite... »

Ses pas débutèrent avec une vraie peine. Il avait en fait plus de mal à marcher qu'il ne l'aurait cru que à la base. Le vent était plus puissant qu'il ne l'avait imaginé, mais il ne perdit pas sa marche. Il ne perdit d'ailleurs pas Thadas non plus, contre lui. C'était rassurant d'être deux dans ce genre de situation ; il n'en avait clairement pas l'habitude. Son regard se tourna vers le plus grand... Il eut un léger flash d'Haru – merde, il lui manquait. Mais ce n'était pas Haru, c'était aussi différent. Bien différent, car avec cette homme, il n'avait pas peur de se laisser aller, il n'avait pas peur du futur, il n'avait de ressentiment, il n'avait même pas eu à retenir qui il était vraiment... Pour une fois, il n'avait pas à jouer la comédie avec quelqu'un. Il plissa les yeux, comprenant enfin ce qui le rendait à ce point niais avec le bonze. Il n'était pas idiot, il était simplement lui-même : un abruti joueur, espiègle, possessif et surtout une vraie boule d'amour. Super.

Allez, on va voir la bébète hein, évitons les conneries.

L'ancien yakuza regarda le puma avec comme un voile sur le visage. Ce genre de chose avait arrêté de l'atteindre. La force de l'habitude agissait en lui comme la pire des amies. C'était de ce genre perfide qui finira par vous prendre tout ce que vous avez, votre maison comme votre amant. Il reste pourtant droit, aux côté de cet homme qui fait battre son cœur plus que son esprit ne peut l'accepter. Il est faible devant lui. Il est faible car il a failli accepter ce qu'il venait de lui dire. Il a failli juste continuer la route doucement et accepter ce qu'il lui disait. Mais ce n'était pas recevable. Il ne pouvait l'entendre dire une chose qui lui faisait aussi mal. Il ne voulait pas le savoir en train de se salir les mains.

Son sourire se fit étrangement doux, étrangement touché et sincère. Il ne pouvait clairement pas laisser paraître ce côté noir de sa personnalité en général. Il ne pouvait pas accentuer les mots qui avaient déjà été écrit, coulé sur sa façon d'être de penser, d'agir, de se construire, de s'être construit, et de se détruire à petit feu dans une vague de sang, de hurlement, de sexe, de drogue, et de violence. Il aimait ça, c'était sa maison après tout. On ne quitte pas si facilement sa maison. Il faisait des efforts, vraiment. Il avait essayé d'ouvrir la porte, pourtant, il était parfois tant de regarder derrière et d'agir avec ce tablier de boucher déjà bien teinté par le sang de ses victimes à chaque instant où son pied touche le sol. Il n'avait pas honte de se le dire, il n'avait pas honte de lui dire.

Avec calme, sa main poussa le bâton sur le torse de Thadas. Il s'approcha avec la lenteur d'un homme de la nuit et embrassa sa joue. Doucement, sa main caressa son torse. C'était comme s'il avait été coupé de la situation, de la façon dont il était actuellement en train d'agir. Il ressemblait à un porteur de mort, à un émissaire venu d'une autre dimension juste capable de dire qui ou quoi devait en finir aujourd'hui. Il s'approcha de la bête souffrante ensuite.

« Je vais le faire. » Tu n'as pas besoin de tuer. « J'ai l'habitude. » Je suis le côté noir de ce duo. « Ça va prendre moins d'une minute. » Ne te souille pas.

Effectivement, de ses connaissances et de cette étrange habitude qu'il avait à s'occuper des bêtes comme des hommes, il plaça rapidement la faucille à l'endroit même où la chair de la bête était tendre ; pile au niveau du cou. Il tailla en une fois dans la chair, une seconde fois, précise dans l'artère. Tout ça ne prit pas plus de quelques secondes, il était odieusement bon avec une arme blanche. Le sang coula de la bête, il n'y en avait quasiment pas ni sur la lame, ni sur les vêtements du faux bonze. Dans son regard, il n'y avait rien. Il attendit les quelques râles de fin de l'animal, puis d'un pas s'avança pour fermer les étranges paupières, récupérer le bout de vêtement étranger.

Il n'y avait eu aucun mot, aucune phrase, aucune signification claire à ce qu'il venait de réaliser. Non, il était juste dans un automatisme terrifiant qui montrait bien ce qu'il était en dehors de l'homme riant, charmant, bon enfant et espiègle... un poil sexy aussi. Il y avait un tueur en fond. Genzo était ce monstre. Il le savait, il l'acceptait.

S'il devait payer pour ce qu'il avait fait, il l'acceptait, comme il acceptait de prendre le prix de la mort de l'animal. Il le refusait simplement à Thadas. Sans un mot, sa main se reposa vers le bâton. Il secoua la faucille pour en faire partir le sang, puis la rangea... comme ci rien ne venait de se passer. Il sourit d'ailleurs légèrement taquin après ça :

« Bon on y va ? » Comme s'il ne venait pas de faire une sorte de transe. Comme s'il n'avait pas été capable d'apporter la mort sans détourner le regard ni même une seule hésitation. Ça avait été juste assez rapide pour qu'on ne l'arrête pas. Il avait semblé être un automate...

Il le savait. Il aurait aimé que l'homme ne le voit pas ainsi. Son sourire taquin cachait une forme de faiblesse, une peur de se faire... rejeter. Ça aussi... il l'accepterait.

Mais ça lui ferait tellement mal.

Le regard qu'il lui donna juste après qu'il ait agi le garda dans un état stationnaire, entre trouble interne et externe. Il ne l'avait effectivement pas laisser faire. Cependant, il ne comprenait pas pourquoi cette touche de douceur et d'empathie restait dans le regard du bonze. Il se sentit idiot de tenir son regard alors qu'il n'avait qu'une envie c'était de se tourner, et de regarder le caillou sur le sol. Il n'était pas pour garder en lui les choses, et c'est bien pour ça qu'il ne chercha pas à se détourner. Il essayait de faire de son mieux. Une grande part de lui avait commencé à comprendre qu'il n'était plus ce tueur sans cœur dont on l'accusait. Bien au contraire, il commençait à ressentir plus que ça, plus que simplement ce qu'il devait faire. On retirait une à une les barrières entre lui et la réalité. Car il faut être fou pour être lui pas vrai ?

Son sourire taquin ne partait pas, la façade restait. Mais en lui, en lui, il y avait tout un bagage qui se déchargeait. Il ne l'avait pas juste viré. Il avait agis sur ce qui avait au final était le seul moment où Genzo lui avait pris son libre arbitre. Le visage du japonais n'indiquait aucun regret sur ce choix, et au fond, il ne le regrettait pas. Ses mains n'étaient pas faites pour endurer ça. Ses mains étaient faites pour le bien, pour aider les autres, pour les guider. Elles ne devaient pas se tacher de sang. Si c'était à refaire, nul doute qu'il le referait. Mais effectivement, il fallait se pencher sur la situation... bien plus que sur ces sentiments.

C'était de toutes façons tellement le bordel qu'il n'avait pas encore pu se remettre à penser correctement. Il ne voulait juste pas le perdre, et c'était déjà beaucoup quand on est une panthère solitaire comme Genzo. Sa main serra celle de Thadas, fort, très fort. Trop fort pour un simple compagnon de route pas vrai ?

Le regard nippon à un œil se tourne devant eux. Il a un léger soupir alors qu'ils replongent ensembles dans la tornade. Même si elle s'est un peu calmée, même s'ils ont une piste, cela ne veut pas dire que c'est la bonne. Ils doivent toutefois passer. Le vent est dur contre son corps. Il sent qu'il commence à fatiguer. La journée de cheval, les jours d'inactivité au palais et sa récente douleur aux jambes... oui, il avait vraiment du mal à tenir correctement. Cette fois, ce fut par intérêt qu'il serra la main. Il avait besoin de se prendre un temps, de canaliser. Fait chier, il faisait pitié.

« Doucement Thadas... » Il souffla la suite : « Désolé... »

Oui par ce qu'il avait fait gagner du temps avec le Puma pour en faire perdre maintenant. Il regardait droit devant eux pour ne rien se prendre, mais il fallait avouer qu'il était totalement conscient d'être le boulet entre les deux. Il ne s'était pas senti aussi merdique depuis le passage avec Lou dans le phare. Il regarda finalement la scène et se dit que... Non, il ne pouvait pas escalader. Il soupira... Le chemin, ils allaient continuer par le chemin... Après tout, c'était clair que le puma était tombé. Il reprit la route tout en tirant Thadas pour que ce soit plus simple.

« ...Et de rien... pour le puma. » Il en aurait presque rougi.

Cette fois, il regarda ses pieds. Puis grogna et reprit sa hargne d'aventurier putain. C'était pas le moment on a dit !!!