« I wanna hide the truth, I wanna shelter you
But with the beast inside, there's nowhere we can hide, no matter what we breed, we still are made of greed, this is my kingdom come »

Le sourcil de Thadas se redressa subtilement en sentant le subtil changement chez son interlocuteur alors qu'il lui infligeait offrait la libération de l'étreinte gravitationnelle. Pourtant, le religieux ne bougea pas, trouvant finalement le matelas d'herbe fort tendre et s'y accouda toujours sur le dos pour tranquillement écouter l'épique récit de son compagnon de route.
..........
Waou. Le bonze fit un petit sifflement admiratif.
Ça en faisait, des péripéties, pour une "simple" escapade ! Heh. Bien que le cinéma n'existe pas à Ijoba, Thadas pouvait presque entièrement visualiser la scène et, involontairement, ça faisait naître des petits pétillements appréciateurs dans ses yeux. Il adore les histoires, vous vous en souvenez ? C'est peut-être l'une des seules passions enfantines qu'il ait gardées. Et autant le dire, il a un petit faible pour le style de narration du borgne. Il a une voix d'envoûteur, souvenez-vous ? Que peut-il face à un envoûteur ? Pas grand-chose à part écouter et profiter. C'est ce qu'il a fait, jusqu'ici, et il s'en porte tout aussi bien pour l'instant.

Ses ambres ne quittèrent pas la statuette de panthère alors qu'elle se faisait de nouveau dissimuler sous des étoffes, comme magnétisées vers elle. Lui-même remit son tigre en place, le portant cette fois-ci en pendentif - ça lui faisait inexplicablement du bien de le savoir près de son cœur. Il cligna calmement des yeux et les reporta sur le visage du voyageur, le scrutant. Une part de lui - toujours cette petite part, hein - aurait préféré qu'il puisse encore admirer la vue en partie dévoilée de son corps. Mais bo-.....
... attend, pourquoi cette lueur légèrement contrite dans le fond de son onyx ?
Peut-être n'avait-il pas aimé raconter sa rencontre avec Karah ? Mince, Thadas ne l'avait forcé en rien à ce sujet..... Non.... Ce ne doit pas être ça. Absolument pas. Genzo n'est pas du genre à faire les choses s'il ne les veut pas - la preuve : sa fugue. C'est un mec aussi indépendant qu'un félin, ça saute aux yeux.
Des siens, il caressa le sourire chatoyant de l'aventurier pour ensuite se poser sur la main qu'il lui tendait. Il ne put s'empêcher de sourire en retour... rendu malicieux par les paroles du brun.

Il se saisit délicatement de la paume du japonais et se servit du ressort de ses jambes pour se redresser à son tour mais en étant très, trop proche de Genzo l'apparemment frustré. Volontairement, hein. Gardant sa main dans la sienne, il eut un petit pouffement espiègle et souffla quelques mots au sens retors, son regard montrant presque affectueusement les crocs.

- Voyons chaton... C'est l'idée de profiter de mon torse pendant encore quelques heures qui semble de te décevoir ainsi ? J'avais pourtant cru comprendre qu'il te plaisait particulièrement, huh ~....

Il avait parlé très lentement, faussement dangereux, presque langoureux, carrément joueur.
Il apporta la main qu'il tenait à ses lèvres pour faire un semblant de baise-main à l'ambiance taquine, décidément..... beaucoup trop proche.

- ... Vas-tu me dire que j'ai... tort.... de dire ça.... ?~ hm ?

Ses agates restèrent quelques secondes à observer l’œil de son comparse, de la manière de quelqu'un qui mène la danse. Puis, doucement, il s'éloigna dans une mutine caresse avec un infatigable air amusé pour se saisir des rênes et les remettre précautionneusement en place sur Kọkleep, à qui il caressa amicalement la tête et l'encolure.

- Allez ma belle, on est repartis.

Cette idée le soulageait. Il espérait sincèrement que tout allait bien pour les disparus et qu'il n'y aurait pas d'emmerdes à l'horizon.

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Le  soudain rire du borgne le sortit de ses pensées dirigées vers les disparus, tournant sa tête vers lui. Qu'est-ce qu'.... il lui prend ? À quoi a-t-il pu bien penser pour sembler plus pétillant, d'un coup ? Et attend attend, qu'est-ce qu'il lui prépare à s'avancer vers lui comme ça ?......
Si la stature de Thadas s'était un peu redressée à son approche, ses yeux se firent tout ronds quant à ce qu'il lui réservait...
.... c'était.....
..... pas du tout....
.... prévisible ?! Mais.... Enfin.... Il..... Que.... Quoi ? Mais quoi, quoi ?
À la différence du narrateur, le prêtre ne s'arrêta pas à la première seconde d'intense surprise, plissant légèrement les yeux sous l'agréable caresse, son focus porté sur l'analyse des propos du trublion. Merde, l'étonnement lui arrondit de nouveau les iris. C'était pour ça, que Genzo avait semblé un peu vexé, sous ses apparences, donc ?

- Je....

Son début de formulation s'évanouit dans le rire du chanteur en même temps que sa main qu'il retirait, faible frottement guttural.

Merde, il ne s'attendait pas à ces déclarations. Que ce fussent des insultes ou même un vent parlant pour lui-même, il n'aurait pas eu ces quelques instants de surprise, ayant l'habitude de se prendre des soufflets à cause de ses quelques mièvreries. Ça le prenait légèrement de court - décidément, il avait du mal à complètement cerner l'ancien bandit.

- Ça charme, ça excite mais en attendant, ça me remet pas en scelle. Bon, tu me montes ?

Mais c'est qu'il est exigeant en plus le bonhomme ? Pfft. Si ce n'était pas l'orgueil de Thadas, il serait probablement resté encore quelques secondes à essayer de comprendre le plus possible la situation, dans ses moindres subtilités. "Grr", fit nonchalamment son tigre intérieur. Lui, il s'en foutait de comprendre ou non le pourquoi du comment, tout ce qu'il savait, c'est que c'était toujours aussi étonnamment agréable ce jeu avec la panthère. Le reste : ranafout.
Quelle douce vie, sans soucis...

- À vos ordres, messire.... Laissez-moi uniquement récupérer mon sac et mon bâton avant que je ne me mette à votre disposition ?...

Le brun fit un sourire de vilain garçon contrastant fortement avec un geste du bras qui s'apparentait probablement à une courbette faussement respectueuse, et s'en fut alourdir de nouveau ses épaules du fardeau des provisions.
Il resta immobile un moment, dos à Genzo, fixant l'arbre.

Rah mais non, à quoi pensait-il ? Non.... non. Il n'allait pas répondre à.... ah ben... si ?

Il tourna légèrement son visage vers l'arrière, sans bouger, calme et sérieux.

- Ton chant et ta manière d'être m'ensorcellent.

Franc.

Il fallait bien qu'il le dise, ça, à un moment, non ? C'est horrible de savoir que quelque chose gît dans nos tripes, tout en sachant qu'on n'arrivera pas exactement à la maîtriser tant qu'on n'aura pas sorti des mots dessus. C'était la bonne occasion de délier ses ressentis, il s'en était saisi. C'était dit.

- Et pardon, chaton, je retiens pour la prochaine fois... Ne pas arrêter les papouilles de Monsieur quitte à ce que mort s'en suive... c'est noté. D'autres choses à savoir ?  , ajouta-t-il malicieusement avec un rire doux et taquin sur la fin, étant revenu près de la jument.

Il ne se moquait pas ; il jouait, c'est tout. Comment pourrait-il faire autrement dans son cas, cette situation, avec ce gus ?
Son regard pétillant planté dans le sien communiquait étonnamment un mot simple : merci. Merci pour beaucoup de choses. D'être là, déjà. De pas avoir crevé pendant sa deuxième fuite. D'être lui, ensuite, tout simplement. Thadas voulait voir plus loin que l'oyabun qu'il fut autrefois - qui est-il pour juger sur un unique aspect de quelqu'un, et même pour juger tout court ? Ce n'est pas son rôle, de juger, il l'avait déjà dit. Vous imaginez, si lui on le jugeait uniquement sur son comportement lors des fêtes ? Il passerait pour le pire des beaufs d'Egùn - ne le lui dites pas sauf si vous y ajoutez la mention shiny. Une personne.... c'est plus qu'un aspect, ce sont des milliers de détails.
Et découvrir, explorer, profiter... ça, c'est déjà autre chose.

Mais trêve d'enfantillages. Le faciès de l'ambré retrouva un peu de son stoïcisme alors qu'il grimpait sur leur monture, tendant sa main vers le gredin.

- Tu as intérêt à t'accrocher.... On en a pour un bon moment.

Mais, étrangement, même s'il avait dit ça, Thadas avait foi en les capacités de Genzo. Ça se sentait, non ?
Il n'avait pas proposé pour rien sa candidature auprès de la Reine, que ce soit pour cette mission ou encore celle où il compte lui demander sa précieuse aide. Quelque part... il lui fait confiance. Pas encore sur tout, car Thadas est assez prudent de nature, mais il ne peut nier que.... il en a envie. Et c'est parce que les envies sont fourbes qu'il ne l'accordera pas aussi facilement que cela, sa confiance, pas dans son entièreté, pas tant qu'elle n'aura été dûment gagnée.
C'est ancré dans son éducation, après tout, d'absolument tout prouver.

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Madame et... choupinet.

- .... choupinet.  , susurra le pontife d'un air beaucoup trop amusé.

Mais quel luron, celui-là. Mais quelle audace, qu'il a là.
Il aimait ça.
Il eut comme des chatouillis à la gorge, qui partirent une fois qu'il s'occupa d'aider son imprévisible comparse à s'installer devant lui.

- Je me tiens bien. Puis je ne m'inquiète pas... Si je tombe t'auras qu'à me rattraper.  , lui assura-t-il donc.

Thadas donna un petit coup de talons et Kokleep se remit progressivement à avancer en direction de leur quête. Il souffla calmement avec nonchalance :

- Toujours, chaton.... Les partenaires servent à ç.... a. Il eut une brève seconde d'arrêt sous le retour des papouilles dans ses cheveux, puis finit avec une moue coquine.  Madame. Ce surnom-là, à n'en pas douter, serait autant utilisé que "chaton", qu'il en soit certain...

Mince, pourquoi il se faisait surprendre comme ça ? C'est pas la première fois que ce gus prend cette liberté avec lui, et ce fut encore moins la première qu'il le laisse faire ainsi. Il s'y faisait.... il faut dire que ça lui plaisait. Un sourire léger et doux nuança sa face sérieuse, plissant légèrement ses yeux en respirant tranquillement.
Genzo est vraiment un original.... huh... Il avait presque envie de dire que ça lui avait manqué, mais refoula cette pensée qui n'a rien à faire ici, écoutant plutôt la suite de la tirade du luron.
Hmm.... Il est vrai qu'il prend soin de ce corps donné par les dieux, le traitant avec respect. Mais....
Les chatouillis reprirent sous sa peau, puis cessèrent quand il rationalisa ses pensées, l'attitude curieuse et sincère.

- Ton père....

"Tu veux bien m'en parler ? Je veux dire.... des tiens, de ta famille."
C'était ce qu'il avait franchement envie de lui demander. Mais il eut un temps de profonde hésitation. Ce serait très indélicat de poser des questions au sujet de ceux dont il est séparé depuis plus d'un demi ouragan... Thadas se souvenait de la peine que Lou lui avait communiquée quand elle lui avait parlé de ses problèmes avec ses proches, là-bas, chez-elle, dans ce pays si lointain à ces terres. Il ne voulait pas toucher à des plaies éventuellement encore à vif - il l'aurait fait si ça avait été quelqu'un qu'il haïssait ou qu'il voulait ratatiner sur place. Il le ferait si l'intéressé le lui demandait et si ça pouvait aider, quoique il ne savait pas encore quelles relations pouvaient bien avoir les humains du Japon avec leur famille. Lou avait beaucoup parlé de la sienne, mais Thadas n'était pas certain que ce soit le même schéma pour tous les autres étrangers - ça ne l'est déjà pas à Ijoba, alors imaginez en dehors ? Il n'était pas naïf, mais pour le coup, étant assez ignorant pour l'instant sur ces quelques aspects du monde d'en-dehors, sa prudence verbale ne pouvait en être qu'acerbée.

Il voulait en apprendre plus sur son compagnon de route, normal quoi ? Rangez le pop-corn.

Un père.....
Thadas n'avait pas connu ce terme au sens de géniteur, n'ayant pas connu ce dernier. Il faut dire que ce soit pour la mère ou le fils, et peut-être surtout le fils, les Hallrar ne disent pas non à certains plaisirs, qu'importe avec qui tant que c'est à l'aise - une vraie famille de fauves. Allez donc tenter de retrouver le fournisseur de graines, toudiou, moi, je m'en vais me faire un thé.
Ça ne lui avait jamais manqué, c'est ce qu'il s'était dit quand il était môme. Sa mère et ses professeurs suffisaient largement à ce qu'il devienne le meilleur et cherche toujours à atteindre la perfection, quels que soient les domaines. À Eke le gars qui l'a fait germer dans le ventre de sa mère, il ne lui a servi à rien d'autre dans le reste de sa vie.
Et puis, à 16 ouragans... il a rencontré Rexin. Ce fou de taré de chtarbé de maboule de prêtre à la con. Oui, ce con, là, plus qu'un mentor et qu'un ami, c'est un peu comme s'il était devenu son père, celui qu'il n'avait jamais eu que dans ses quelques moments de blues, qu'ils s'étaient donc adoptés tous les deux. Ce vieux con, peinturluré du col jusqu'aux chevilles. Toujours à prendre des décisions aussi surprenantes qu'efficaces, un vrai serpent ou alors un singe insaisissable. Celui qui avait appris à Thadas à s'assouplir, à trouver un équilibre entre la fermeté de son caractère et la tendresse de son cœur.

Le bonze eut une légère bouffée d'émotions alors que ses yeux dévalaient la route juste devant eux, le vent chantant soigneusement l'hymne d'un air soyeux. La chaleur était un peu plus supportable, comparée à tout à l'heure.
Erm. Il s'est un peu éloigné du sujet, là, non ? Il a laissé une phrase en suspension.... ce n'est pas top, n'étant pas quelque chose de voulu.

- Hmm..... Pardonne mon indiscrétion, tu ne veux peut-être pas en parler....?

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Le religieux se surprit à avoir une sorte de fascination à écouter cet homme parler de son père avec émotion. En vérité, il se surprit à ressentir et faire beaucoup de choses, un peu indépendamment de sa volonté. Du début à la fin, il ne moucha pas, haussant parfois les sourcils, quelques fois curieux, d'autres étonné, ou encore pas du tout, pris par l'atmosphère intense en émotions qui les entourait.
Un père alcoolique, donc. Un homme doué d'intelligence et d'amour pour son monde, un monde ne semblant pas le comprendre comme il le mériterait. Un humain doté de volonté et d'empathie, sensible et dévoué. Une personne engagée envers les siens, un combattant de la lumière à sa manière. Un père, et son fils....

Thadas arrivait presque à sentir le solide lien qui reliait leurs deux cœurs, ses petites secousses alors que Genzo se plongeait dans une touchante nostalgie. Il visualisait, il sentait, ça vibrait, ça l'émouvait. Tendre. Cette douceur qui émanait alors de l'ancien hors-la-loi ne pouvait que s'étendre et atteindre le visage du bonze, pas vrai ? Visage qui le chatouillait, d'ailleurs, alors que le vent continuait de les caresser, comme s'il accompagnait Genzo dans son récit. Thadas prit une courte inspiration et s'humecta les lèvres, se nourrissant de ce qu'il lui racontait, ce qu'il partageait avec lui.... Son cœur voyait clair dans le sien, cette fois, alors qu'ils enlevaient les voiles de leur comédie ludique.
Il eut la sincère pensée qu'il aurait bien voulu rencontrer ce paternel dont il lui parlait avec autant d'affection. En quelque sorte, Genzo lui apportait quelques éclats de ce qu'il n'avait jamais vraiment eu dans son enfance... Il n'avait pas de regrets, surtout qu'il a rencontré Rexin, après. Mais son cœur se pinça légèrement, bien que ce ne fut pas, ou plus douloureux.

À l'anecdote du fripon, le sourcil du brun se leva considérablement, presque dans une attitude paternaliste et très sévère, un peu surpris sur le coup - encore.
"Sérieusement ?"
Il ne savait pas s'il devait s'agacer et réprimander ou plutôt rigoler franchement de ces escapades de l'enfance. Il décida naturellement de rire intérieurement, trop attendri pour faire son vieux con beaucoup trop strict. Doux rire qui se traduit par un sourire amusé en coin, sourire qui s'effaça pour une tête plus neutre et songeuse sous le coup de la réflexion à la question du borgne. Il laissa s'évader quelques secondes dans les courants frais de l'air, sa bouche mentale esquissant quelques mots alors qu'il procédait à l'ascension de ses souvenirs à la surface calme de son esprit.

- Mon enfance...

D'autres secondes s'égrenèrent, et encore d'autres.
Son enfance...

- Ma mère, une membre des Imorans, s'est chargée de mon éducation, s'armant de nombreux instructeurs pour que j'aie le maximum d'outils pour la vie adulte.

...

- Je n'ai pas connu mon père de sang, ma mère ayant eu plusieurs partenaires.

Si ça se trouve, il l'avait croisé d'innombrables fois dans les couloirs du palais, dans les rues de la ville, dans un coin de forêt.... Quand il était beaucoup plus jeune et en quête de lui-même, cette idée le rendait parfois fou, dans ces moments où il se sentait étouffé par le lourd programme de son éducation. Il ne fléchissait jamais, mais des fois, il se demandait ce que son père lui aurait partagé, montré, s'il avait été à ses côtés. Et, à chaque fois, il se disait que ça n'aurait pas été autant que tout ce que sa mère a fait pour lui, même après qu'il soit devenu adulte à douze ouragans.

- J'ai fait sans, ou plutôt, avec tout ce que j'avais déjà. Le rang de ma mère me permettait tous les luxes dont j'avais envie, toutes les connaissances que je désirais dévorer.

Il pouffa doucement, sincèrement amusé par la pensée suivante.

- Heureusement que ma mère est plutôt du genre sévère, sinon j'aurais fini en vrai môme complètement pourri gâté et bon à rien. L'horreur.

Une âpre grimace s'étira sur ses lèvres dans une attitude presque comique, et pourtant, terriblement sérieuse. Sérieusement, ça lui donnait des frissons d'horreur quand il s'imaginait en bon vieux gros pépère à attendre que tout lui tombe rissolé dans le bec..... urk. Complètement à l'opposé de ses principes.
Ses frissons horripilés partis, il reprit avec un air déterminé, la voix pleine d'une sorte de ferveur proche de la douceur.

- Ma mère, en quelques mots ? C'est une tigresse. Elle te boufferait en moins de deux si tu venais à empiéter sur son territoire ou si tu cherchais à t'en prendre aux siens. Le tout en subtilité. C'est une femme de fer, redoutable, le genre à agir dans l'ombre pour le bien. Elle sait se faire respecter et s'imposer par la force de son mental.

Kokleep s'ébroua doucement, frémissant des narines car soudainement agressée par quelques mouches, mais s'en fichant rapidement plus qu'autre chose.
C'est là que Thadas se rendit compte qu'il avait lui aussi ouvert une fenêtre sur son âme, à s'ouvrir ainsi sur sa vie. Étonnamment, ça ne le dérangea pas plus que ça, et d'ailleurs, il continua.

- Comme ton père, c'est elle qui m'a en grande partie aidé à devenir l'homme que je suis.... À réussir ce que j'entreprends. Tu sais, à Ijoba, il est rare que les enfants et les parents gardent vraiment contact après leur départ de la maisonnée, généralement à douze ouragans. Sans s'imposer dans ma vie, elle a toujours cherché à me donner des petits coups de soutien, lorsqu'elle décidait que je le méritais. Elle m'a toujours fait bosser comme un dingue quand j'étais môme... La phrase qui résumerait le mieux mon éducation serait "Rate et recommence, jusqu'à la perfection". Pas le droit à l'erreur, c'est soit je réussissais, soit je recommençais, soit je me faisais virer si jamais je prenais la décision de tout abandonner.

Il marqua une courte pause, observant une buse voler librement non loin de là, poussant un cri perçant - probablement l'heure de son casse-croûte.

- Je n'ai pas abandonné. Ma mère non plus. S'il y a bien une chose pour laquelle je lui serais éternellement reconnaissant, c'est de m'avoir formé à la vie et de m'avoir appris à toujours chercher par moi-même tout ce que je désire le plus ardemment. "Personne ne te donnera rien si tu restes à traînailler comme un fainéant faible et oisif. Cependant, si tu montres le fauve en toi, tu les verras courber l'échine sous la force et le poids de tes accomplissements."

Thadas respira profondément, fermant à moitié les yeux. Il laissa un silence reposant s'installer. Il passa de nouveau sa langue sur ses lèvres, goûtant la brise, appréciant la température qui se tempérait un petit peu.
.....
Merde, il avait beaucoup parlé là, pas vrai ?

- C'est de ton père que te viens cette passion pour l'alcool ? , demanda-t-il doucement, sincèrement intrigué, posant ses ambres sur le crâne de Genzo.

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Le tigre observa paisiblement la panthère à sa remarque sur le fauve, attentif au moindre de ses mots comme d'accoutumée.
"Je le montre souvent ? Comment ça ?"
Thadas ne s'en rendait même plus vraiment compte, ceci étant particulièrement ancré dans son caractère. Mais il le surprit à faire les yeux doux à la brune fauvesse pendant un moment, et l'obligea à regarder ailleurs, tiens, Genzo répondait à sa question, par exemple, ça semble une bonne retraite stratégique.

.... ou pas.
Que ce soit Thadas ou le tigre, chacun appréciait d'en apprendre plus sur le borgne, d'entendre sa voix découvrir toujours un peu plus de sa personne. Il lui parlait de son grand-père.... la famille s'élargissait. Des gens que Thadas ne rencontrerait probablement jamais, mais qu'il se surprenait à aimer les voir vivre à travers les dires de leur descendant.
Une petite part de lui eut du mal à se dire que cet homme là est un ancien boss ayant roulé sa bosse dans le criminel. Pas quand il sentait autant... autant quoi ? de douceur ? est-ce le terme ? émaner de lui en parlant des gens qui l'ont accompagné dans sa vie, des gens qu'il a très certainement aimés vu la façon dont il le fait. Il le sait bien, pourtant, que tout n'est pas noir ou blanc, c'est une de ses vérités intérieures ça. Mais il se demanda comment quelqu'un capable de rayonner de la lumière de la sorte ait dû faire des choix le plongeant dans un monde d'ombres.... C'était de la curiosité, de l'intérêt derrière, mais, en même temps, plus que cela.

Sa gorge se serra légèrement sous le coup d'émotions mélangées, et l'épiderme sous son pantalon tressauta à l'endroit touché par le voyageur comme si mu d'une volonté propre qui lui permettait de se sentir étonné. Il se détendit. Le rayé eut quelques discrets ronrons tranquilles, entre la satisfaction et la réassurance. Il sourit fluettement, encouragé par les paroles qui suivirent.
Il ne sait pas si elle est "chouette", mais ce qu'il sait c'est qu'il a beaucoup de respect et d'affection pour sa mère. Elle fait partie de ces gens dont il sait que l'ombre de la trahison ne les effleurera jamais. Elle lui a mené la vie dure, pour sûr, mais Thadas avait en quelque sorte aimé ça..... Non, pas dans le genre masochiste mais plutôt parce qu'il avait vite vu tout l'intérêt qu'il y avait à s'accrocher et à se démener pour réussir.... La société ne pardonne pas aux rebuts inutiles, quel que soit leur rang. Bon, sa soif de savoir et sa dévotion naturelle ont beaucoup aidé aussi.

- Ton père aussi m'a l'air d'être un sacré personnage, dis....

Étonnamment, ça lui fit plaisir que le chanteur semble apprécier le portrait maternel qu'il lui avait dépeint autant que lui avait aimé celui de son pater.
Un point d'interrogation se dessina toutefois sur le visage du flamine à un des termes employés par Genzo, quoique cela arrivait beaucoup moins avec lui que lorsqu'il avait causé avec Lou lors de leur visite guidée. Il y avait des fois où il avait vraiment eu l'impression de parler à quelqu'un venant d'un autre monde..... ce qui était loin d'être faux, mais qui n'avait pas toujours été aisé à gérer. Vous le voyez arrêter cette espèce de moulin à paroles de Lou à chaque mot qui le chiffonne par son sens voilé ? Il remerciait sincèrement son partenaire de route de faire des efforts pour clarifier ses discours, quant à lui... C'était vraiment une qualité qu'il appréciait particulièrement chez lui, cette aisance orale et cette capacité d'adaptation.

Mais il n'empêche qu'il se demandait bien ce que pouvait être une bagnole. Ce n'était qu'un détail, qui fut vite balayé face aux interrogations de l'homme à l'onyx.
Quelque part, Thadas fut un peu choqué, pendant un instant, par ce nouveau choc culturel. Il écarquilla des yeux surpris, lui qui avait toujours vécu dans un monde libre sur bien des plans au sujet du corporel.
Salope ? Paria ? Juste pour avoir partagé un moment de tendresse avec d'autres humains ? C'est une honte, en dehors, de chercher ce genre de plaisirs ? Sans mauvais jeu de mot, Thadas tomba des nues. Il n'était pas déçu, uniquement qu'il n'y avait encore jamais réfléchi - il n'avait même pas anticipé la question. Il lui fallut quelques courtes secondes pour organiser ses pensées.

- Eh bien.... Je t'avoue que je ne sais pas trop quoi te répondre hm. Chaque individu a sa place dans la société tant qu'il cherche à s'y rendre utile d'un moyen ou d'un autre.... Qu'on soit homme, femme, homme dans un corps de femme ou vice versa, qu'on aime l'alcool ou les bordels, qu'on soit vieillard ou jeune adulte de douze ouragans, qu'on ait une attirance plus pour certaines personnes que pour d'autres, qu'on soit noble ou artisan, qu'on adore les tartes d'Umpheki ou qu'on déteste notre voisin, qu'on soit fêtard ou bourreau de travail, qu'on soit d'ardents voyageurs ou casaniers pires que des ours, qu'on soit estropié ou qu'on chasse le lièvre, qu'on ait la plus improbable des phobies ou qu'on soit doté d'un talent peu commun.... nous sommes humains. Des humains d'Ijoba, des enfants de la Terre des Dieux. Le mérite et le respect reçu par nos semblables ne dépend après que de notre travail et de nos réussites. Tout se mérite, tout se gagne, à commencer par la reconnaissance des autres.

L'ijobien pencha légèrement sa tête vers le bas pour croiser tranquillement regards avec le japonais, prenant quelques calmes secondes avant de reprendre d'un ton toujours à la fois détendu et déterminé, reportant après ses yeux sur la route.

- J'avoue ne pas comprendre pourquoi un moment de partage entre deux humains en quête de plaisir serait interprété de façon aussi péjorative, surtout en ne se fixant que sur une partie de la population comme les femmes... Ça aurait pu être moi qu'on aurait traité de "salope" et de paria que ça m'aurait autant... surpris.

Il avait délicatement employé le mot "salope" car être prostituée n'était pas un terme insultant pour lui, elles servaient tout aussi bien la société qu'un forgeron ou qu'un paysan, bien que leur commerce reste beaucoup caché dans l'ombre. Il respectait cette profession autant que les personnes en faisant partie, pour le courage souvent dû au désespoir dont certaines font preuve ou même parfois au professionnalisme de certaines d'entre elles... Pour cause d'avoir périodiquement frayé chemins avec elles, il savait de quoi il parlait. Il ne pouvait pas comprendre mais il avait eu des aperçus de leurs vies, de leurs pensées, de leurs émotions car il s'y était sincèrement intéressé.... Elles sont humaines quoi, ce ne sont pas de vulgaires objets qu'on peut maltraiter par un manque de considération humaine. Tout pervers qu'il soit, Thadas était sensible aux mœurs de ces personnes autant qu'à celles d'autres. Derrière les apparences, il voyait plus loin qu'un simple morceau de chair.

Il n'y avait aucune agressivité ni dans sa voix ni dans ses propos, il souhaitait uniquement apporter autant d'éléments que possibles à Genzo pour l'aider à mieux cerner le fonctionnement de la société ijobienne, comme lui l'avait fait et continue de le faire avec le monde d'en-dehors. Ses ambres se reposèrent sur lui, d'ailleurs et il lui sourit, nonchalant.

- Tu avais bien cerné la chose, en tout cas.... Mais si c'est bien une lignée de femmes qui dirige l'île, ce n'est pour autant pas sur les distinctions sexuelles que se font les places dans le reste de la société. Je ne sais donc pas si c'est "normal" ce que ma mère a fait mais comme c'est loin d'être rare, pour les hommes comme pour les femmes... j'imagine que oui haha.

Il aurait voulu caresser sa joue du bout des doigts, à la place de quoi il le fit du bout de ses yeux un peu plissés.

- Tu m'as l'air de penser assez différemment de ce monde dont tu viens....  , susurra-t-il avec une curiosité un peu fascinée, tranquillement, presque dans un murmure.

Et ça lui plaisait.
On rajoute à la liste, hein ?

- Tu veux bien m'en dire plus ?

Sur lui, sur son monde, sur quoi ? Thadas ne l'avait pas précisé. Il se sentait presque de nouveau comme ce môme mis en face d'un coffre au trésor - le trésor étant tout ce monde complètement inconnu, et le gardien du coffre, une panthère beaucoup trop envoûteuse.

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