Le poing retombe avec rage sur le sol. Il a encore envie d'hurler, de fracasser, d'écrabouiller, de mordre à pleine dents, de tout éradiquer. Pourquoi est-ce qu'il doit vivre ça ? Pourquoi on lui a menti ? Pourquoi est-ce qu'on a pas juste pris le temps de le mettre au courant ? Oorun ?! Oruko ? Pourquoi vous l'abandonnez comme ça ? Qu'est-ce qu'il a mal fait ? N'a-t-il pas été le plus juste des croyants ? Son corps lui fait mal, son cœur lui fait mal, et son âme hurle si fort qu'il ne ressent pas les deux autres.

Seulement une voix vient de derrière lui. Il redresse le haut de son corps brutalement en ignorant qu'il vient sûrement de faire le pire mouvement pour sa condition. Ses yeux sont grands ouverts. Est-ce qu'il a rêvé ?

Quelqu'un vient de parler pas vrai ?
Et lui il va devoir jouer la comédie que tout va bien, qu'il n'est pas du tout en position de faiblesse... Juste pour un dieu qui a laissé son représentant lui mentir tout ce temps ? Est-ce qu'il doit vraiment faire ça ? Mais même s'il envoie chier la personne qui arrive, est-ce que ce serait pas la volonté d'Oruko cette fois ? Peu importe sa réaction... il donnera ce que les dieux veulent de lui... Quel être pitoyable. Ignare. Égoïste. Et Menteur.

Il est bien le fils de son père, pas de doute.

« … Oui... Il y a quelqu'un... »

Sans le vouloir, il vient de presque se mettre en boule sur le sol. Comme un animal blessé, il a peur de croiser quoi ou qui que ce soit. Il se sent tellement idiot de prendre tout ça à cœur... Mais il ne peut pas faire autrement. Sa mère n'est juste pas sa mère, et elle s'en fout sûrement totalement de lui.

Maki... ? Il redresse une de ses paupières pour observer la demoiselle se rapprocher de lui... Dans le noir, et dans les larmes, il ne la voit pas bien... mais il l'entends. Sa voix a un peu changé, elle est un peu plus cassée... mais elle n'a pas l'air d'avoir bougé quoi que ce soit... Un peu grandi peut-être... Ses mains sont chaudes contre sa peau et il se laisse toucher sans mouvements brusques. Il a reconnu sa douceur. Il a reconnu ses mains voyantes à la place de ses yeux magnifiquement bleus pâles... Comme les coquillages.

Le chaton ferme de nouveau les yeux... Il lâche cette pression sur ses épaules avant de se retourner pour la prendre contre lui.... Non plus exactement, il se blottit contre elle, la serrant de toutes ses forces. Jamais, il ne pourra remercier plus Oruko pour cette … cette lumière dans l'ombre. Il lâche un soupir qui devient une râle. Ses pleures reprennent et il n'arrive pas vraiment à parler.

La douleur dans son cœur est bien trop vive et le réconfort trop soudain.
Il ne se pensait pas capable de ressentir autant de chose, et surtout pas en même temps. Chetan est presque à se demander s'il ne finirait pas par s'évanouir sous le trop plein d'émotions. Est-ce que c'est normal ? Est-ce que c'est logique de tout ressentir au point d'en trembler, que son corps ait l'impression de presque exploser...

Son cœur a du mal à battre, ses larmes lui écorchent les joues, ses jambes tremblent, ses mains sont en sang...
Mais il a des paumes douces contre lui, la chaleur d'un corps pour le guérir et une voix qui apaise le rouge dans son corps.

Seulement, il n'arrive toujours pas à parler, alors à la place, il frotte un coup sa tête contre son torse qui lui apporte tant de ce qu'il a besoin en ce moment...

Peut-être... est-ce qu'il peut s'y autoriser... ? Après tout, c'est sûrement Oruko qui lui envoie ce bonheur quand il en a à ce point besoin. Elle est douce avec lui, elle lui inspire tout ce dont il a besoin. Même l'étrangeté de sa voix ne lui fait pas de mal en cet instant. Au contraire, il arrive enfin à respirer... à se calmer... Oui, la chaleur, l'enlacement tout autours de lui. Elle est si pure, elle est si belle. Elle est comme une seconde lune dans le ciel, comme le soleil de la nuit... Elle a ce petit quelque chose qui fait qu'il s'accroche à elle, qu'il se redresse légèrement pour la serrer contre lui avec un peu plus de tendresse. Il sent que Chetan en lui est présent, que l'enfant doux qui vient de prendre la claque de son enfance grandit.

Dans cette étreinte, il se promet que c'est fini.
Il ne fera plus confiance à ses parents, plus jamais. Il ne prendra plus en compte sa fausse mère menteuse, et il continuera de juger à jamais son père pour qui il est. Jamais, il ne sera comme eux. Cette fois, c'est de la rage qui commence à animer le corps du félin. Le chat commence à devenir lion. Il va écraser son père, il va écraser tout le monde jusqu'à devenir celui qui a été choisi par les dieux. Jamais plus on ne lui mentira sans en payer les conséquences.

« ...Je sais... »

Il la serre contre lui alors que tout se bouscule. De victime, il devient peu à peu le début de cet homme fort et battant, celui qui ne cédera jamais. Il a été celui qui a aidé les étrangers pour qu'ils ne soient pas jetés dehors. Il est celui qui va remonter cette association pour les mettre à terre pour la reine, la seule et unique reine. Il sera celui qu'on ira voir quand on cherchera quelqu'un de confiance.

Mais en attendant, il est celui qui se trouve à enlacer cette femme, envoyée par les dieux pour le seconder.

Il sera celui qui la rendra heureuse.

« Je sais que je peux compter sur toi... » Doucement, sa main va sur son œil et il enlève la dernière larme. « ...Je veux bien dormir avec toi cette nuit... s'il te plait... » Il avance pour frotter la joue sèche contre celle de la demoiselle. « Si tu es vraiment d'accord... pour laisser un garçon dans ton foyer ? »

Son sourire est un peu faible, mais à la fois amusé et charmeur... oui, il reprend du poil de la bête.

Après une inspiration contre la muse de sa nuit, il caresse les cheveux de la demoiselle. Ses jambes se déplient et il passe une dernière fois sa main sur ses yeux. Plus de larmes n'en couleront pour ce sujet. Son sourire ne le quitte plus alors que tendrement, il aide la jeune femme à se lever. Avec une douce façon d'être, il passe sa main dans la sienne. Ses yeux se ferment puis se rouvrent quand son visage se tourne vers le ciel. Les étoiles sont très belles cette nuit. La lune l'est encore plus.

« Je t'accompagne sans problème... Est-ce que tu peux me guider ? »

Même si elle est aveugle, Chetan sait qu'il peut lui faire confiance sur son orientation. En fait, il lui fait confiance sur tout. Sa tête se met contre son épaule et il redresse doucement son visage avec le souffle dans son cou.

« Tu veux que je te porte... ? »

Elle avait l'air frêle, et lui se savait assez physique pour la tenir contre lui.
Puis ça lui ferait plaisir de la porter... sa princesse.