Le coach est là

feat. Karah

Thadas écouta calmement le jeune sculpteur s'épancher, ne le coupant pas une fois. Il laissa même quelques secondes de silence s'étaler, en respect avec les besoins de son interlocuteur.
Ce qu'il vivait actuellement était naturel. Chacun passait par ses phases de doute et de rééquilibrage face au monde qui nous entoure et ce dont on veut en faire. Thadas comprenait ce par quoi Karah passait, et on lisait dans son regard toute l'empathie dont il pouvait faire preuve à ce sujet.

Il reposa sa cuillère, la respiration tranquille. Il s'exprima avec un ton tranquillisant, doux mais ferme, prenant son temps entre chaque phrase.

- Tes intentions sont bonnes, mais si tu te négliges, tu ne leur donneras jamais la substance leur étant nécessaire pour te porter. Pour mettre d'accord les autres, tu dois d'abord être d'accord avec toi-même. Tu seras moins faible dès lors que tu arrêteras de te mettre toi-même des bâtons dans les roues. Et encore... Pour quelqu'un qui se dit "faible", tu as une volonté d'esprit particulièrement surprenante.

Il marqua une pause, étudiant calmement le jeune homme qui lui faisait face - et qui récupérait déjà quelques couleurs grâce à la nourriture qu'il était en train d'ingérer.
Il continua, suivant un fil de pensée stable et qui ne cherchait pas à s'imposer mais plutôt à soutenir l'autre et l'aider à y voir plus clair.

- Être la meilleure version de toi-même implique que tu t'accordes le même respect que celui que tu donnes à ce et ceux qui t'entourent. Tu as une belle âme, Karah. Ta peur est naturelle, mais il ne faut pas que tu la laisses t'empêcher de sauter vers ce qui est bon pour toi. L'indépendance, la créativité, la richesse... Tu as déjà tout ça. Il faut juste que tu t'en saisisses.

. . .
Thadas croisa une jambe sur l'autre, zieutant toujours son protégé avec une aura d'apaisement qui venait adoucir ses traits fermes.

- À part ça... Je te conseille de préparer tes repas avec à chaque fois au moins des lentilles ou des pois chiches, des patates ou du pain, et des légumes en quantité. Prends des fruits secs sur toi pour les manger entre tes entraînements, et hydrate-toi régulièrement. Écoute ton corps au lieu de ton esprit, car il te dira en quelles quantités et précisément ce dont tu as besoin pour te développer équilibré.

Il regarda tranquillement Karah, laissant ses paroles s'imprégner dans ses pensées et une réaction surgir du créateur.

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Le coach est là

feat. Karah

Le regard du bonze s'attendrit à la réponse du jeune homme, et il hocha légèrement quelques fois de la tête, en accord à certaines paroles. Bien, il était rassuré qu'il vienne de décider d'enfin prendre soin de lui-même quand il se lance dans ses projets.
Il aurait voulu s'excuser pour le jeu de la dernière fois, car il n'avait pas voulu blesser Karah sur sa décision assez impulsive. Karah n'avait pas été le seul à se comporter comme un enfant sur ce coup-là.

Seulement, il posa sa question.
Thadas leva légèrement les yeux dans une moue songeuse puis étira un sourire un peu éthéré en replongeant ses ambres dans les deux océans remplis de trésors du sculpteur. Ses traits s'étaient un peu adoucis, encore une fois, bien que les souvenirs ancrés dans sa peau lui avaient causé un léger élancement au cœur, un instant.
Sa décision d'un régime entièrement végétarien date de ses débuts à Aisiki. Il ne mangeait pas tellement de viande avant, mais cette expérience avait été décisive.

- Si j'ai le choix, je préfère ne pas me nourrir de la mort d'autres âmes.

Il savait que ce n'était pas un luxe accordé à tous les ijobiens, de pouvoir se nourrir uniquement de fruits, de légumes et de dérivés animaux. Il savait qu'il n'y avait parfois pas d'autres choix que de se nourrir de la chair d'un semblable incarné, qu'il soit oiseau ou mammifère. Il ne jugerait jamais personne répondant à son besoin vital de se nourrir pour continuer d'avancer. Simplement, il ne peut pas effacer cette écœurante impression de manger de la chair humaine quand il s'imagine manger un morceau d'agneau ou de maquereau.
Il n'arrive pas à séparer l'existence de son espèce avec celle des autres êtres vivants. Pour lui, c'était un tout, et de même que l'idée de dévorer un humain l'horrifie, celle de manger de l'animal n'a pas un effet différent sur son esprit. Les deux sont du pareil au même.

- Tu reveux du riz ?

En effet, le supplément du jeune homme était déjà vide. Ça faisait plaisir à voir.
Quelle que fut sa réponse, Thadas observa pendant quelques instants après son interlocuteur, s'humectant les lèvres en réfléchissant. Il prit la parole sur un ton confortant.

- Après Karah... Si tu as besoin de te faire offrir tes repas, n'hésite pas à passer à la maison des Hallrar. C'est dans le courant de pensée de ma famille de soutenir les artistes de talent... Tu y seras bien accueilli.

Il avait conscience que les artistes ne gagnaient pas forcément beaucoup au début. C'était bien pour ça qu'il faisait les mécènes, pour certains d'entre eux, afin de les aider à prendre leur élan dans la société. Une société sans art est vouée à la déchéance.

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Le coach est là

feat. Karah

Thadas haussa un sourcil.
Karah ne semblait pas avoir compris qu'il s'agissait de sa famille. Thadas Hallrar. S'il lui dit qu'il peut passer à sa maison familiale, c'est que ça ne posera pas problème. De plus, il n'est pas le premier artisan à avoir profité de la convivialité des Hallrar...
Ce jeune garçon était bien trop humble. C'est trop difficile d'accepter les cadeaux quand ils viennent des autres ? Le prêtre sourit doucement.

- Tu n'embêteras personne, rassure-toi.

Il reprit quelques bouchées de nourriture pendant que son protégé parlait. Le scruta attentivement.
... Bon, il ne semble pas mentir quand il dit ne plus avoir faim. Bien.
Thadas se lécha les lèvres, l'estomac ronronnant sourdement de ces mets chaleureux qui venaient le remplir. Il se sentait bien, lui aussi. Il sourit en crocs.

- Je l'espère bien.

Vu ses traits tirés, Karah avait bien besoin de quelques heures de sommeil réparateur.
Thadas ne reprendrait pas de riz non plus.
Il haussa un sourcil comme si une pensée venait de le traverser, plus vive que d'autres, le regard braqué sur le sculpteur.

- Sinon... Tu as produit d'autres sculptures depuis notre dernière rencontre ? Je serais curieux de les voir, si possible.

L'intérêt scintillait dans ses agates, en effet.

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Hm ?

feat. Karah

Pour en croiser d'autres sans le savoir, ce n'était pas tout à fait ça. Thadas savait que la panthère de Genzo était une autre œuvre du sculpteur, par exemple. C'était inscrit dans son style, dans l'aura du bois gravé. Le Grand Prêtre se demanda même si ce jeune homme n'aurait pas le don de sentir les animaux totem des personnes en face de lui. Que le cas s'occure deux fois, c'est qu'il y a forcément quelque talent caché à développer.

Une lueur au-delà de l'attentif s'était allumée au fond du regard du Grand Prêtre quand Karah s'était mis à exposer ses travaux. Il se caressa la barbe, les observant d'une façon indubitablement affûtée.
Quand tout fut mis à plat sur la table, sa paume vint planer lentement, juste au dessus des petites statues, effleurant doucement leurs reliefs.

Toutes l'attiraient plus ou moins, toutes porteuses d'histoires. Il aurait aimé les connaître. Cette créature mi-serpent mi-dragon avec des plumes de glace prenait-elle ses racines dans un conte oublié ? Et ce quadripède à l'allure d'un phacochère aux motifs zébrés et aux cornes et dents gercées de fleurs, était-il un représentant des dieux dans le monde énergétique ?
Thadas voyait l'imagination comme un canal qui pouvait parfois être influencé par les entités de l'au-delà. Et Karah avait sans nul doute des connexions très particulières avec l'autre monde, même s'il ne s'en rendait probablement pas compte.

Il s'arrêta sur le début de tête de panthère.
Une idée commença à doucement monter dans son esprit.
Mais, avant cela, il redressa ses yeux ambrés sur le jeune créateur.

- Oh, tu t'es donc installé à Oluh ?

L'étonnement brouilla légèrement ses traits, mais la raison à cela était plutôt due à la petite révélation du sculpteur.
Il prenait des cours avec un maître d'armes...?
Thadas fronça légèrement les sourcils.

- Tu comptes devenir garde ?

Il ne fit même pas l'effort d'étouffer la pointe dubitative qui avait percé dans ces mots.
Il avait un talent inestimable en sculpture et il voudrait le garder en passe-temps pour... rejoindre... Enfin, soyons clair, Thadas n'a aucun problème avec les gardes - à part avec cabO(t)de. Ils protègent la paix de l'île et la Reine, ou tout du moins y participent. lls sont nécessaires à la société, et Thadas les respecte comme il respecte tout métier qui sert à la stabilité et l'élévation de son peuple.

Seulement... Perdre un sculpteur de talent pour lui mettre une épée et une lance dans les mains, c'est carrément frustrant.
"Enfin, ne sautons pas à des conclusions hâtives."
Peut-être que le jeune homme souhaitait uniquement apprendre à se défendre. Ce serait plus que probable en fait.

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Ouf.

feat. Karah

Le "non" fut à la fois un soulagement et un confortement dans la réponse que Thadas s'était lui-même apporté. Ses traits retrouvèrent de leur sérénité et il écouta très calmement l'artiste.
Apprendre à se défendre pour être indépendant et autonome, ne pas être un fardeau pour les autres. C'étaient de belles motivations. Elles lui permettraient sans doute de ne plus se laisser attacher à un arbre par son père, si cela devait survenir une nouvelle fois.

Il avait du mal à comprendre que ce parent s'accroche à ce point à sa progéniture qui a déjà dépassé l'âge d'être un adulte et de loin. Ce n'est pas comme si Karah avait un mauvais fond loin de là ; l'empêcher d'apprendre ses propres limites par lui-même ne le servirait qu'en mal. Le jeune homme avait tendance certes à se surmener, mais ce n'était pas conduit par une volonté de blesser les autres. Il avait le droit de faire ses propres choix, et les assumerait. Jamais la mère de Thadas ne lui aurait mis des chaînes autour du cou sous prétexte que ce qu'il faisait était trop dangereux. Elle l'aurait tenu par la nuque, encore jeune, et lui aurait inculqué les règles de leur société ainsi qu'appris comment se développer sans faire d'erreurs qui ne lui apporteraient pas d'expérience et qui au contraire lui feraient perdre son temps.

Mais sa mère n'était pas le père de Karah, et au final il n'était personne pour juger leur mode de vie et d'évolution. Il était là pour comprendre et aider, rien d'autre.

- Je vois. , fit pensivement le bonze.

Il se passa quelques instants où il se lécha les lèvres, réfléchissant.
Il plongea ses agates dans les azurs de son protégé.

- Si jamais tu as besoin d'un contact pour obtenir une place d'apprenti auprès d'un sculpteur, viens me voir.

Il appréciait les jeunes âmes qui s'engageaient dans leurs passions et ne rechignaient pas au travail. Si Karah était vraiment motivé à aller toujours plus loin et à sans cesse s'améliorer, il l'aiderait avec plaisir.
Il l'avait bien senti, que ce petit avait du potentiel. Jusqu'ici, il ne le décevait pas. Il sourit en coin, les traits d'un tigre paternel s'affichant plus que jamais sur son faciès tranquille.

- Tu as encore beaucoup à apprendre, en effet, mais tu es sur la bonne voie.

Et entre ce fameux maître d'arme et lui-même, Thadas ne doutait pas un instant que Karah fut entouré de très bons alliés sur son chemin de vie.
Il grandissait bien, ce jeunot, ça faisait plaisir à voir.

D'ailleurs...
Le bout des doigts toujours sur la tête de panthère, Thadas haussa légèrement un sourcil, très clairement curieux.

- Au fait... Pardonne-moi ma curiosité, mais qui s'occupe de t'apprendre à te défendre ?

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