Karah en a fait des choses, on ne pouvait pas dire qu’il ne faisait rien. Moins penser à son père plus facile à dire qu’à faire. Le prince blond en avait des bonnes. Il rangea l’arme en bois qu’on lui avait confié. Il savait aussi que s’il faisait une nouvelle série de vingt, il tomberait. Déjà qu’il avait du mal à tenir sur ses jambes… Il s’appuya contre un mur. S’excusant mentalement à l’habitant qui devait vivre dans cette maison ou qu’importe ce que c’était. Respirant à fond. Laissant ses muscles se relâcher un peu. Sans tomber. Il devait apprendre où était ses limites, il le savait. Mais il ne voulait pas s’arrêter alors qu’il sentait qu’il pouvait continuer. Il eut un rire un peu amer. Il devait aussi trouver un endroit pour dormir. La nature c’était chouette, les rues, un peu moins et la cabane de la chasseuse, il y allait assez peu. Pourquoi ? Parce que cette femme était vraiment impressionnante. Le genre de femme qui ne fallait pas trop embêter. Il espérait qu’elle allait bien.

La capitale était bruyante, toujours pleine de vie, peu proche de la nature. C’est aussi pour ça qu’il y retournait pour y dormir. Il savait combien c’était dangereux. Pourtant il était toujours là. Debout, enfin presque… Il sortit d’une poche les quelques coquillages qu’il avait. Il avait juste assez pour vivre une nuit dans une auberge. Pas d’y manger le soir. Mais d’avoir un repas du matin des plus correct. C’était pour ça qu’il serrait dans ses mains. Il se mit à marcher lentement, ses jambes toujours engourdies, jusqu’à l’auberge.

La chaleur de cet endroit le happait, autant humaine que réelle. Il serra ses pauvres fripes. Il se dirigea péniblement vers la personne qui gérait l’établissement. Il posa ses coquillages, maoigres ventes qu’il avait faoit quand il n’était pas trop fatigué.

« J’aimerai avoir une chambre, s’il vous plaît. »

La personne le regardait, il se mit à rougir. Il était un peu sale. Mais c’est aussi pour ça qu’il était là. Pour profiter du lieu pour nettoyer tout ça. Il l’avait fait à une rivière, mais la poussière venait encore toujours s’y accrocher. Le mettant vraiment dans l’embarras actuellement...

Karah était fatigué, il avait faim et surtout ses forces étaient moindre. Reste à savoir comment il tenait debout parfois. Quand il entendit une voix calme et posée reconnaissable, il se tourna doucement pour tomber sur le prêtre. Il soulevait. Le jeune homme ne savait plus comment prendre cet homme. Ami ? Protecteur ? Ennemi ? Pas inconnu en tout cas. Il s’appuyait sur le comptoir ses jambes lui faisant un mal fou. Il l’avait inviter pour parler et manger. Il pouvait refuser. Mais ce n’était pas l’avis de son ventre qui se fit entendre assez bruyamment. Il rougit avec force. Ses bras entourant son torse trop gracile. Se faire offrir un repas…

« Dé… Désolé, je pense que mon ventre a vraiment besoin de ce repas. Mais je ne vois pas pourquoi vous êtes si généreux avec moi. Je n’ai rien fait pour mériter ça. Même à l’inverse. Je vous ai évité tout ce temps... Je comprendrai soi vous changer d’avis... »

L’artisan quitta le comptoir pour s’appuyer contre un mur, la démarche raide. Bien trop pour lui faire le moindre bien ou moindre mal. Il avançait du mieux qu’il pouvait avec son corps mis à rude épreuve. Il ne savait comment il allait arriver à cette table. Si loin. Si près pour une personne en pleine forme. Ce n’était pas son cas. Il respira à fond. Il marcha d’une marche qui aurait pu le faire rire d’un point vue extérieur, mais il subissait plus qu’elle l’amusait. Il arriva après un bon moment, manquant de tomber à chaque rencontre avec les autres clients ou personnes qui travaillait ici. Quand il s’installa sur la chaise, son corps semblait presque le remercier. Il fit un maigre sourire à cet homme. Il n’en voulait plus vraiment à cet homme, il était surtout à ce demander si oui ou non ça serait une personne à connaître pour que lui avance dans sa vie. Dans ses réflexions. Si les dieux voulaient lui parler à travers cet homme. Va savoir.

Karah n’était pas d’ordinaire quelqu’un de rancunier, c’était même quelqu’un qui pardonnait facilement. Ce jeu l’avait touché plus que prévu. On l’avait investi d’une mission, la voir finir si vite, c’était un peu triste. Il caressa d’un air distrait la table, ne sachant quoi répondre à cet homme. Mentir ne servirait à rien. Mais avait-il le droit de connaître la vérité ? Seulement en partie. Autant profiter de l’appui qu’on lui offrait. Son entraînement. Un sourire faible sur le visage.

« Je m’entraîne en effet, pour me défendre et quitter le joug qu’à poser mon père sur moi. Comment je vais ? Moi-même, je ne pourrai pas dire avec précision, la faim, la fatigue, la sculpture qui me manque certains jours et je pense que beaucoup de choses me manquent. Avant de rentrer là où j’étais, éloigner mon père. La vie de prêtre doit être bien chargée. J’espère juste que notre rencontre retarde rien d’important. »

Le jeune artisan était du genre à s’en faire plus pour les autres que lui-même. Les limites de son endurance brouillées par sa jeunesse, sa fougue et son envie de réussir. Il ne savait même pas s’il était meilleur qu’hier, mais pire que demain. Les nouvelles de son maître improvisées étaient rares.

Tout ça parce qu’il avait eu des ennuis avec d’autres gardes. Il se demandait comment des personnes si différentes pouvaient faire cette fonction. Il devait avoir des artisan pas sympas. Karah n’avait aucune envie de les rencontrer. Il attendait le repas, se mordait les lèvres quand son ventre résonnait trop fort à son avis. Comme c’était son corps, il ne se rendait pas compte que c’était sûrement lui qui l’entendait le plus. Il était affreusement gêné.

« Vous l’avez gardé ? »

Il parlait de cette statuette qu’il avait donné à cet homme. Comme beaucoup de personnes qui avaient semé sa vie d’aventures. Précieux souvenirs qui valait bien ce souvenir.

Karah était rassuré de ne rien retarder d’important. Il était une des personnes les plus proches des dieux. Devenir prêtre ne l’avait jamais intéressé, il connaissait la base du métier, comme beaucoup de choses. Du haut de son jeune âge, il s’était beaucoup cherché. Et il se découvrait encore des choses. C’était un peu ça qui rendait chaque vague sur la plage de sa vie vraiment intéressante. Elle laissait des coquillages précieux et jolis, mais aussi des choses moins agréables comme un crabe qui lui pinçait l’orteil.

Quand il vit sa statuette, si belle, si autant mise en valeur, il sentit une vague de chaleur. Elle était bien entre les mains de cet homme. Il ne pouvait plus la toucher juste la voir prendre sa place à ces côtés, comme un farouche protecteur. Le jeune homme ne pouvait pas être plus fier d’une de ces créations.

« Je suis content qu’elle soit si bien à vos côtés, j’ai l’impression qu’elle est encore plus belle qu’à l’époque. Et pourtant, ça ne fait pas si longtemps... »

Puis venait l’heure de passer commande. Il n’osait pas demander ce qu’il voulait. Karah n’avait aucune envie de mettre à mal cet homme. Ni qui que ce soit. Son père l’avait tellement habitué à vivre de presque rien, que de devoir quelque chose à quelqu’un, ça prenait de grandes proportions. Il posa une main sur son ventre. Il grondait si fort à ses oreilles.

« Je… Je ne sais pas… J’aimerai quelque chose qui ne contient pas d’animal, pas de viande en gros… Même si j’en ai besoin, peut-être que les œufs suffiront, m^me si ça me fends le coeur de manger ce qui aurait pu être de jeunes êtres. Et de l’eau, ça ira. Pas besoin de grand fes... »

Mais son ventre protesta, depuis combien de jour n’avait-il pas manger correctement ? Karah ne le savait même plus.

« Mange, toi aussi... »

Tutoyer un homme si important, étais-ce bien placé de sa part ? Il ne le savait pas.

Le jeune artisan était bien loin de se douter de ce qui pouvait se passer dans la tête de l’homme en face de lui. Il pouvait voir une étincelle briller dans ses yeux. Cette étincelle qu’il pouvait voir sur d’autres personnes. Pas que personnes, les animaux avaient aussi ce petit truc. C’était quelque chose qu’il aurait bien du mal à décrire tant ça semblait irréel. Il n’osait pas dire un mot sur le menu, il avait pris un supplément pour lui. Seulement pour lui. Il entendit son ventre être trop heureux de ce repas approchant. Quand l’adulte lui adressa la parole sur des suppléments, il fit des gestes vifs.

« C’est inutile, vraiment, je peux... »

Nouveau grondement bien sonore.

« Désolé vraiment pour ça. Je prendrai ce que tu m’offriras, pas besoin de bonus. Le surplus de riz était inutile, vraiment... »

Son ventre n’était pas d’accord avec ces mots. Il ne savait pas comment répondre à sa question sur son régime alimentaire. Il devait être honnête avec cet homme. Il sentait que lui mentir serait bien inutile.

« Oui, je ne veux pas qu’un animal souffre de quelconque manière qui soit. Je ne sais pas si c’est bien ou mal. Je ne fais que suivre mes convictions. Je ne sais pas comment je vais faire pour tout ça. Je me contente de peu. Je suis sûrement déjà contre-productif. Comme tu l’as souligné, ça se voit. J’ai tendance à m’emporter dans ce que je fais et la fatigue comme la faim deviennent secondaire. »

Karah passa une main sur la table. Le bois de cette dernière réchauffait son cœur. Ce contact était essentiel pour lui. Cette matière avait le don de lui parler d’une façon particulière. Ses ondes semblaient l’aider. Le soutenir. Chaque fibre étaient là pour soutenir des milliers de plats se succédant dans une danse folle.

« Sans vouloir te vexer, je ne sais pas si c’est bon pour moi de suivre tes conseils. J’aimerai vraiment… Je suis sûr que ça pourrait être utile. Mais… »

Parler de son père, ça lui faisait mal. Il y était encore attaché, mais on lui avait dit tant de choses sur lui. Il était perdu. Il serrait les poings, même la chaleur du bois ne l’apaisait pas. Il avait si faim, il était si fatigué, il sentit un vertige le prendre. Il vacilla un peu. Son énergie ne tenait qu’à un fil.