Haus auf Rädern
feat. Genzo Harada
La tension devenait insupportable. Celle de son corps qui tendait entre épuisement et désir intense ; celle de son esprit tordu par des vagues de couleurs qui lui vrillaient le cerveau. Il n'y avait qu'un seul moyen de se libérer de cette montée incontrôlable, semblait-il.
La nausée se faisait plus forte dans son thorax, dans sa gorge ; son tournis devenait trop fort ; sa respiration, pâteuse. C'était un moment terrible où il était en proie entre la mauvaise réaction de son corps au liquide qu'il avait ingurgité et son attrait désormais sans barrière mentale qui donnait à sa chair des avant-goûts imaginaires de ce qu'elle voulait partager avec celle du faux bonze. Il n'y avait même plus la petite voix désagréable à l'arrière de son crâne pour lui dire d'arrêter ses conneries, qu'il était en mission et qu'il devait se concentrer sur elle et rien d'autre ; elle était comme assourdie.
Leurs instincts animales prenaient le dessus.
Mais la montée prit une autre tournure. L'odeur se dégageant de la coupe du brun fit poser une paume à Thadas contre sa propre bouche pour refouler la bile qui commençait à lui brûler la trachée. Il voyait plusieurs formes se détacher sur les contours de la pièce, certaines énergétiques, d'autres matérielles, mais pour la plupart assez hallucinatoires. Son cœur battait s'accélérant à ses tempes, presque frénétique et pourtant, gourd.
Et encore, ce n'était que quelques petites gorgées qui lui faisaient ça, et non pas un bol et demi comme ce qu'avait ingurgité Genzo. Il se pencha sur son propre bol avec autant d'élégance que se pouvait, et laissa sortir en un filet ce que son corps refusait, dos tourné à Genzo pour lui épargner le spectacle. Il lui restait du moins assez d'emprise mentale pour agir de cette manière-là.
Le rire sonore de ce dernier eut pour réponse une moue entre le dépit et le sonné, du côté du religieux, tandis qu'il s'essuyait le coin de la bouche, le regard trouble. Il prit une inspiration et se passa une main sur la figure, les pensées déroutées. Il avait du mal à se replacer où il était. Il avait les sens beaucoup trop fins, tout d'un coup, ça le rendait malade. Il se morigénerait plus tard de n'avoir pas su maîtriser la situation, péteux d'avoir cédé de peu à ses pulsions voraces. Même maintenant, il ne dirait pas non à une partie de jambes en l'air, cependant, une part en lui le forçait à se poser et à recomposer un schéma de pensée qui ne soit pas celui d'un homme encore sujet aux effets de la fausse menthe. Respirer. Respirer, avant de parler. Enfin non, penser, avant de parler. Merde, c'était dans quel ordre, tout ça ? Le prêtre grogna, désespéré de ne pas tenir son esprit entre ses doigts fermes comme d'ordinaire.
- M-merde, comme tu dis...
Il ne sait pas où il trouva l'humour de rire de leur situation, mais lui-même pouffa après ces quatre mots qui voulaient tout dire. Merde, c'étaient les nerfs qui partaient en vacances, maintenant ? Thadas soupira, trop détendu mentalement, mais encore trop tendu physiquement. Il jeta un regard à Genzo.
Ils n'avaient pas l'air con, là. Il lui adressa un léger sourire très certainement résigné, mais surtout fatigué. Il cligna des cils, la tête pas très droite et la déglutition un peu maladroite, formulant des mots bredouillants - le comble, pour quelqu'un à la diction si soignée, d'ordinaire.
- P...peut-être qu'on dev-vrait se mettre au calme... a-avant de f-faire une... connerie...... 'Longue r-route... de...demain... Waw, une phrase digne de quelqu'un de responsable, incroyable.
Bonjour, le dragueur d'il y a quelques secondes demande à l'accueil sa maîtrise articulatoire sauvagement volée par une herbe vagabonde.
Il ne se rendait même pas compte qu'il tenait à peine sur les bras qui le maintenaient torse légèrement redressé.
Mais quel fragile, ce bonze. Ça te supporte des climats de merde, des semaines de jeûne et des épreuves physiques à l'opposé du mode de vie occidental, et ça tombe K.O après quelques gorgées de simili drogue ? Bon d'accord, ça fait deux jours intensifs à cheval avec pas beaucoup d'heures de sommeil à leur actif, mais quand même.
D'ailleurs, il se laissa doucement retomber sur le dos en soupirant, la tête lourde. Merde, trop d'envies et de besoins contradictoires, trop de brume. De ses yeux entrouverts, il luttait pour garder une lueur de conscience, mais le sommeil ne tarderait sans doute pas à l'arracher à son corps fatigué.
Il tourna la tête vers Genzo. Haussa à peine un sourcil, leva une main. Il allait lui proposer de dormir avec lui puis se rendit compte qu'il n'en avait pas vraiment la force.
- S-s'tu veux te faire une place, c... c'est maintenant... Ah, mais il avait assez d'énergie pour faire encore un peu de provoc.
Il reposa lentement sa main, se tournant sur le côté.
Oui, en pls.
Les drogues, l'alcool, tout ça, ça passait définitivement très mal avec Thadas... Nobody's purfect ! ¯\_(ツ)_/¯