L’ermite balaya les remerciements d’un geste bourru de la main. Mouais mouais. Il avait fait le boulot, voilà tout. Pas de quoi en faire tout un foin. Dès lors que la bourse lui tomba entre les mains, il vérifia que le bon nombre de coquillages s’y trouvaient. (là encore, c’était par pure précaution) Le montant vérifié, et la bourse rangée dans sa cabane, le misanthrope revint vers le chargement.
Ok, à partir de maintenant, le marché était clos. Pas d’arnaque au menu donc. Il commençait un peu à s’en douter, mais bon. Il fallait toujours rester méfiant. Surtout quand l’interlocuteur en face semblait avoir un esprit aussi affûté.

C’est seulement quand il revint qu’il remarqua le jeune garçon accompagnant le prêtre. Passée l’habituelle tension d’avoir un inconnu sur son territoire, l’Ours le gratifia d’un geste de tête bourru avant de s’emparer de la charrette.

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Le Nashoba du présent présenta un regard moqueur à son ami.


Il eut un petit rire, achevant ainsi son verre.

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Effectivement, 6 ans plus tôt, leur arrivée ne se déroula pas exactement comme prévu.

Arrivé à Oluh, l’ermite laissa effectivement la charrette aux bons soins du jeune garçon. Seulement, en constatant que celui-ci s’y prenait comme un manche, l’ours reprit les rênes en bougonnant, se laissant guider par le prêtre à travers les rues de la ville.

Il regretta assez vite sa décision, quand il reconnut le chemin qu’ils empruntaient. *Merde* jura-t-il intérieurement *Ça m’était complètement sorti de la tête, mais il ne m’a effectivement pas répondu, quand j’ai demandé la dernière fois, pour Oorun.*
Car le temple en question, l’ermite le connaissait pas mal, et pas spécialement en bien. Mais bon, il ne pouvait pas se désister, maintenant qu’il s’était engagé. Donc il serra les fesses et pria tous les dieux pour que ce qu’il redoute ne se produise pas.
Évidemment, on ne pouvait jamais faire sa petite livraison de pot tranquille. Il fallait toujours un chieur pour l’emmerder.


Le prêtre qui s’était exclamé en l'apercevant se dirigea vers son supérieur, penaud. Nashoba avisa l'énergumène en arquant un sourcil, se retenant de grogner face à ce vieux bedonnant tout emmailloté dans ses tissus à motifs.


Il fit mine de baisser la voix, rétractant son coup entre ses épaules à la manière d’une tortue apeurée. Cela n'empêche absolument pas ses propos de parvenir aux oreilles de l’ermite.



Et on s’étonnait de son aversion pour les prêtres. C’était vraiment pas pour rien qu’il avait choisi de vivre dans son trou.

L’ermite s’imobilisa, tempéré par l’injonction du prêtre. Mais même calmé, il fusilla son opposant du regard. Un grognement s’échappa inconsciemment de sa gorge, comme une menace lourde de sens.

C’était… inhabituel qu’il obtempère docilement. D’ordinaire, il se serait insurgé de devoir être le seul à qui l’on intimait de se calmer. Comme si c’était à lui de faire l’effort alors qu’il n’était clairement pas à l’origine de l’affront !
Mais là non. Comme s’il sentait que le grand prêtre n’allait pas en rester-là. Et il n’en resta effectivement pas là. Toute sa haine descendant progressivement, l’ermite avisa son assaillant se faire recadrer par son supérieur. Il finit même par hausser un sourcil. Eh bah, on pouvait dire qu’il menait tout le monde à la baguette, ce grand prêtre.

Un mélange de reconnaissance et de gêne se nicha au coeur de sa poitrine. Touché parce qu’un inconnu et Prêtre venait de lui témoigner une gratitude à laquelle il goûtait trop peu, et le défendait sans hésitation. Gêné parce qu’il n’avait justement pas l’habitude de la gratitude, et trouvait stupide de dépendre de quelqu’un pour le défendre. Six ans ne suffiraient d’ailleurs pas à l’habituer ni aux compliments, ni aux comportements protecteurs à son égard.


Pourtant, il n’en avait pas tout à fait terminé avec les prêtres.

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Du moins, ça faisait partie de ses théories. Mais bon, avec Thadas, on n’était jamais à l'abri d’une surprise. Son meilleur pote pouvait être assez mystérieux. Il eut son rire gras, significatif que la soirée était bien avancée.


Mais bon, aussi chiant que c’était pour Nashoba, il devait admettre qu’effectivement, ça avait été la meilleure stratégie à adopter dans la situation.

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Quand il croisa le grand prêtre au marché d’Oluh, une semaine plus tard, ce fut lui qui vint à sa rencontre, contre toute attente. Demander si les pots avaient fait l’affaire lui servit de prétexte pour discuter avec quelqu’un qu’il commençait à apprécier malgré lui.


Il savait très bien pourquoi il avait fait cette proposition. Il l’aimait bien mine de rien, le bonze. C’était quelqu’un d’intéressant, et qui ne lui tapait pas sur le système, par dessus le marché. Enfin, quand il n’arborait pas son air moqueur, de temps en temps.
Pourtant, quand il arriva au temple, les bras chargés, il se dit qu’il aurait vraiment mieux fait de fermer sa gueule plutôt que de jouer les types sympas.


L’homme s’était immobilisé, courbé sur le pot qu’il venait de déposer au sol. Il la connaissait très bien, cette voix, et il avait prié les dieux pour ne pas avoir à l’entendre. Mais bon, c’était peine perdue. Les dieux n’étaient jamais de son côté, de toute façon.


Il se redressa très doucement, pivotant avec lenteur vers la dame qui venait de le reconnaitre. Celle-ci portait une tenue de prêtresse vert émeraude. De petites rides striaient sa peau mate, adoucissant quelque peut son visage aux traits anguleux et ses yeux perçant. Elle avait vieillit, depuis la dernière fois. Ses cheveux poivres sels et les plis de sa peau en étaient les témoins. Cependant, elle ne s’était pas départie de cet air supérieur qui lui était caractéristique.
Ça faisait quoi… Dix ans qu’ils ne s’étaient pas vus ? Nashoba n’aurait pas été fâché que ça dure encore un moment.

La prêtresse revêtit son plus beau sourire hypocrite.



déclara Imala en se tournant vers lui, le saluant respectueusement,

Nashoba prit une expression renfrognée. Ledit fils n’avait plus huit ans.

Regardez-le là, à détourner encore les arguments pour avoir raison. Le perfide. Le natif plongea son nez dans son verre d’un air bourru.



Mouais, c’était pas sûr.
Mais en même temps, il fallait voir la daronne en question, aussi.

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L’ermite fut mitigé entre l’indignation de devoir être défendu par quelqu’un, ou la satisfaction de voir sa génitrice se faire rembarrer par le grand prêtre. Il croisa les bras, détournant le regard avec désobligence. S’il ne partait pas immédiatement, c’était par respect pour le bonhomme, mais honnêtement, il était à deux doigts.



Et alleeez. Voila qu’elle sortait encore ses stratégies de vipère. Il les connaissait bien, le bougre. Un ptit coup d’apitoiement par ci, un ptit coup d’humiliation par là. Le tout avec une bonne dose de langue de bois pour faire passer la pillule. Histoire qu’il soit bien pris au dépourvu et trop gêné pour répondre quelque chose d’intelligent. A d’autre ! On ne la lui faisait plus, il connaissait la chanson.



L’air tantôt sacré du temple s’était maintenant chargé de tensions nouvelles. Pour sûr, les dieux vénérés ici ne devaient pas apprécier ce cocktails de mauvaises ondes.
La dame se tourna gracieusement vers le prêtre, déposant une main certie de bijoux sur son propre coeur. Un sourire perçant étira ses lères.



Toujours dans la finesse, l’humour et la legerté pour ne pas irriter autrui, mais non sans proférer des paroles lourdes de sens. Si Nashoba avait eu une once de doute, il était maintenant fixé. Elle n’avait pas changé d’un poil.

…
Sale truie, va.
 

Alors là, il le prenait mal. L’on pouvait dire que c’était un phacochère, un ours de mauvais poil, un marginal, un hérétique, il n’en avait rien à cirer. Mais qu’on l’assimile à sa mère, ça, c’était le comble des insultes. Ptetre pas aussi sympathique qu’il ne le paraissait, le Grand Prêtre. M’enfin, qui ça étonnait ? C’était un prêtre quoi. Tous des cons.

N’empêche, il avait un peu les boules. Il se sentait presque trahi quoi. Il rétracta ses narines de mécontentement, reprenant les paniers de marchandise maintenant qu’il avait compris où il devait les amener. Certes, il allait encore se péter le dos dans la manœuvre. Mais au moins, ça lui permettrait de ne plus voir sa gueule, à la mégère.



Gna gna gna gna. Bordel mais qu’est-ce qu’il détestait ces ronds de jambes. Elle voulait pas passer sous la table, tant qu’elle y ét-



PARDON ?!

L’ermite s’était immobilisé dans sa marche, tant la rage bouillonnait dans tout son corps. Il allait la frapper, en fait. Il allait balancer cette caisse d’osier dans sa sale gueule jusqu’à ce que son nez disparaisse.
Et pourtant, il ne le faisait pas. Parce que comme d’habitude avec elle, ça allait retomber sur lui. Et dieu, c’était dur. C’était dur de pas la cogner.
C’est pour ça qu’il ne bougeait pas d’un cil. S’il bougeait, il allait la mettre en pièce. Et aussi obsédante qu’était la perspective, songer aux conséquences suffisait à l’immobiliser… Pour l’instant.