Tu ne pouvais pas y croire. Tu étais tombé sur la carte ?? Celle qui te mènerait vers les artefacts magiques reliés à l'Elu de la prophétie ?? Si c'étaient les dieux de l'île qui avaient caché ce trésor, cela ne pouvait être que ça. Toi qui tournais en rond depuis des semaines à la recherche de pistes pour débuter ta GRAAAAANDE QUÊTE, tu en avais enfin une.

Tu allais débuter ta GRANDIOSE AVENTURE sous peu. Tu avais rempli ton sac de divers items potentiellement utiles qui pesaient assez lourd sous le soleil tapant de l'endroit.  Gourde pleine, biscuits, quelques barres céréales que tu avais réussi à sauvegarder du paquebot en prévision d'un tel voyage, cinq paires de chaussettes et de slips (noirs), des bandages et du désinfectant, du répulsif à araignées et une mini poupée de paille pour éloigner les mauvais esprits. Sans oublier ton pendule.
Tu étais prêt. Dans quelques minutes, tu effectuerais tes premiers pas vers ton destin fabuleux, riche et merveilleux. La gloire et la magie, tout ça à l'infini...!

... Dès que tu aurais compris comment se lit cette putain de carte, tout du moins. Ton pendule s'agitait depuis quelques minutes de ça au-dessus d'elle sans t'apporter plus d'aide que ça. T'avais toujours été habitué à Google Maps toi, pas à ce truc quasi sans repères. Tu n'avais même pas de boussole, mais tu considérais que tu n'en avais pas besoin puisque tu avais ton pendule.
Alors tu marchais dans les rues, la tête plongée dans ta carte, les sourcils froncés en te référant régulièrement à ton fidèle pendule.

Mais quelques instants plus tard, il te ramena devant le palais, comme si la carte ne voulait pas que tu quittes Oluh. Tu recommenças le circuit. Même résultat. Tu sentis une colère terrible naître au creux de tes os... OUI, de tes OS, parce que c'était plus badass que les tripes. La mâchoire crispée, tu jetais un regard terrible vers cette stupide carte qui ne voulait pas obéir à l'Elu. Elle risquait bien de flamber sous les braises de ton regard si ce cirque continuait.

[Ellipse.]

Je me trouvais enfin devant cette foutue forêt en dehors d'Oluh. Enfin, j'imagine que l'espèce de buisson sur la carte représente la forêt devant moi. Mon pendule et moi avons utilisé toute notre détermination pour vaincre cette carte contrariante, et nous voici à la première étape de l'escale. J'aurais cru qu'un Elu n'aurait pas besoin d'une carte pour trouver les items qui lui sont liés, mais les desseins des dieux sont obscurs, c'est bien connu.

Je remis en place les mèches de mon front d'un geste assuré. Ne pas penser à toutes les créatures mortelles façon Australie de ses grands morts qui se planquent derrière chaque petit bout de racine... De toute façon, qu'elles viennent ; j'ai mon répulsif. Et... je n'hésiterai pas à m'en servir. Gare à elles, l'Elu est on his way.

Je remarquai non loin de là un garde PNJ.
Ok, pas question de lui montrer que je galère à trouver mon chemin. Je lui jetai un regard suffisant comme si je connaissais toute sa vie, avec un visage sombre et vibrant de puissance au niveau des yeux. Mate-moi ces yeux noirs coco, t'en as jamais vu d'aussi profonds hein ?? T'peux pas battre mes lentilles. T'peux pas battre l'élu.

Je m'enfonçai entre les arbres en mettant de côté tous les dangers qui m'attendaient sur mon voyage. Je n'avais même pas dit à Alan que je quittais la ville pour un moment... Je ne voulais ni qu'il s'inquiète vis-à-vis de mes parents ni qu'il s'immisce dans mes débuts en tant qu'Elu. Je savais ce que je faisais.

Je tombai nez-à-nez avec un type qui se planquait derrière un arbre.

Il a failli me faire une crise cardiaque le con ! Quelle idée de se planquer là ! Bien sûr, je n'en montrai rien et le toisai sans mot dire. Je passai une main dans mes cheveux puis continuai ma route en suivant ma carte, mon pendule tendu au bout de mon autre main.

...

Attend, ce type avait une carte lui aussi. Je n'ai pas pu tout voir mais... Ma vue rendue affûtée par mes lentilles avait perçu une croix rouge, comme celle marquée sur ma carte.

Je m'étais arrêté. Un mauvais frisson balaya mon échine. Un rival ? Non... Il ne peut y avoir qu'un seul Elu.

Je me retournai vers lui et le jaugeai. Il avait l'air d'avoir à peu près le même âge que moi. Je m'avançai vers lui et tirai son bras pour voir sa carte.

... Yep, pas de doute, pour avoir passé près d'une heure à la scanner sous tous les angles, il s'agissait bien de la même carte.
Je plantai mon regard ténébreux dans les siens trop purs.

— Où t'as eu cette carte ?

Ce n'était pas possible... Les dieux ne pouvaient pas trahir l'Elu tout de même ! Donner la même quête à un olibrius venant de je ne sais pas où ?? Je suis censé être le seul à accomplir cette épopée. Regardez : c'est écrit dans ma destinée. Je ne tolérerai aucune arnaque venant des dieux, il y en a déjà eu trop !

Je passai un long moment à le scruter tandis qu'il se justifiait, un peu stressé semblait-il.
Une de ses créations ? Ce type est un créateur ?

Il marquait un point sur le fait de voyager ensemble. Mais cela me désarçonnait un peu, même si je ne le montrais pas. L'Élu de la Lune n'était-il pas censé rester solitaire de bout en bout, brillant puissamment parmi les mers d'étoiles représentées par la masse des gens du commun ? En même temps, difficile d'interpréter différemment le fait que les dieux nous aient transmis exactement la même carte au même moment.

Je laissai flotter un long instant après la déclaration du châtain, mes yeux noirs braqués sur lui.
Je relevai le menton et croisai lentement les bras.

Je déclarai enfin, d'un air détaché et suffisant :

— ... Très bien. Je t'autorise à venir avec moi. Je marquai une légère pause que je remplis en lui tournant dos, avançant dans la forêt. Ne me ralentis pas.

Il me serait très certainement utile, puisqu'il connaît mieux l'île que moi, étant un natif. Les dieux ont dû me l'envoyer en tant que guide pour que je ne m'égare pas. Je suis un peu outré qu'ils ne me fassent pas confiance pour me débrouiller tout seul mais... En réalité, plus vite j'arrive à mes artefacts sacrés et mieux c'est. J'espère juste que ce type ne compte pas me voler la vedette. C'est moi la star de l'île, ok ? Avant j'étais juste Roy Smith, un adolescent comme les autres.

Maintenant, j'ai le sort de toute une île, non, du MONDE qui repose sur mes épaules futurement musclées.

sssSSSSSSSSSSSsssssss...

Je baissai les yeux là où j'avais posé mon pied.
Un serpent aux reflets irisés me fixait de ses grands yeux méchants et dangereux. Ils étaient verts et vilains. Mais le pire, c'est qu'il ouvrait petit à petit la gueule, révélant ses crocs étincelants comme des putains de seringues.

— AAAAA !

Bleu de frousse, j'avais immédiatement bondi en arrière en m'agrippant au cou de mon guide improvisé façon princesse, pointant d'un doigt fébrile l'infâme reptile sans pattes.

— S-s-s-sss...serpent !

J'avais pourtant été prévenu qu'il y en aurait, c'était logique, sur une putain d'île, dans une forêt, mais que ces saloperies se foutent juste sous mes pieds ????? Les dieux veulent ma mort ou quoi ???

Cette saloperie continuait de me regarder comme si elle allait me bouffer !! Ces crocs ! DIEUX ! Ces crocs ! Je suis sûr qu'ils sont gorgés du venin le plus mortel de la terre ! Je ne veux pas mourir ! Aaaah ! À l'aide ! Eloignez ce serpent mortel de moi ! J'ai une prophétie à accomplir ! J'veux pas crever comme ça !

J'eus du mal à écouter ce que me disait l'étranger, trop concentré à fixer l'écailleux et ses yeux globuleux. J'étais tendu comme une tranche de pain grillé entre deux résistances. Pourtant, le serpent finit par s'éloigner, mais je restais pâle d'effroi.

Puis je grognai de douleur quand tout d'un coup je retombai sur terre.

— GN !

C'est quoi ce délire ???

Je levai un regard énervé vers le type aux yeux bleus.
Et puis... je me souvins...
... Oh merde. J'ai vraiment sauté dans ses bras comme une donzelle là ?? C'est tellement pas shonen !

Au lieu de me dépêcher de me relever avec une mine honteuse, je pris mon temps au contraire de me remettre sur mes pieds et de m'épousseter avec élégance comme si ces récents événements ne m'affectaient pas. C'EST ÇA. Seule la poussière est un facteur de dérangement dans cette forêt pour l'Élu. Tout à fait.
Je remis bien en place mes vêtements et me passai une main dans les cheveux sans répondre à sa mise en garde. Je ferai... attention. Tout en restant au même niveau que lui. Au cas où. Par sécurité. Mais euh... qu'il ne croie pas que je suis flippé... Hein.

Et donc, on en était à ce que je me remette les cheveux en place façon badass. Je gardai la pose avec une main dans les mèches tout en fixant mon guide.

— Avant ça... Je ne crois pas que nous ayons eu l'occasion de nous présenter.

Je croisai les bras, le menton légèrement relevé, la tête un peu penchée.

— Je m'appelle Roy.

Karah ? J'enregistre. Par contre... C'est pas normal qu'il soit aussi gentil avec moi. Pourquoi il reste peace alors que je lui ai littéralement sauté dessus ? Bon. Euh. Je me racle légèrement la gorge tandis que nous reprenons la route. Je prends alors ma voix la plus sombre et détachée au possible, parlant très sérieusement :

— Alors... Ecoute-moi. J'ai des raisons de croire qu'il se trouve des artefacts très importants pour ma Quête à l'emplacement de cette croix rouge. Je ne sais pas quel est ton but outre la curiosité, mais ne t'attends pas à ce que je te laisse t'en emparer sans que je m'en mêle.

Autant mettre les choses au clair dès le début. Je fixais mon guide anti-serpent.

— Ce n'est pas juste une aventure pour le fun pour moi. C'est une mission de la plus haute importance. Souhaites-tu malgré tout qu'on fasse le voyage ensemble ?

Je disais ça, mais depuis gamin je rêvais d'avoir une aventure du genre avec plein d'événements épiques. Pas besoin de le dire ni de le montrer, ceci dit. Ça l'affichait rarement cool de dire qu'on est sur le point de réaliser l'un de ses rêves de gamin sous couvert de quête prophétique.
Je passai une main dans mes cheveux, les arbres défilant lentement autour de nous, certain de la classe que je dégageais à poser les termes de notre alliance dans l'air. Mais j'étais sincère là-dessus. Cette quête... C'était extrêmement important pour moi. ET POUR LE MONDE ! Il fallait qu'il en prenne conscience. Ça aussi, c'était important.