Karah en était, à sa combien déjà ? Il avait perdu le compte des fois où il répétais inlassablement les mouvements que lui avait enseigné son maître. Il était plutôt fier de réussir le mouvement. Enfin, il l’espérait. Une erreur et il pouvait tout recommencer. Il secoua sa tête avant de prendre son courage et reprendre encore et encore le geste qui se finissait avant de reprendre sa position initiale. Il sourit, il sentait ses muscles douloureux, mais s’arrêterait-il ? Penses-tu ? Se stopper, ce n’était pas vraiment quelque chose qu’il faisait de façon naturelle. Il reprenait avec une hargne sans borne. Jusqu’au moment fatidique. Ses jambes tremblait, sa vision se troublait. Et il tomba sans vraiment pouvoir se retenir. Il rit stupidement avant de tenter de se relever. Peine perdue, même ses bras ne voulaient pas l’aider. Il fini par souffler avec force sur le sol. Le voilà bien embêté. Avait-il la force de parler. Il devait tenter. Il devait voir si son énergie était encore suffisante pour. Il respira avec difficulté, mais arrivait à remplir d’air ses poumons et de poussière, ce qui le fit tousser.

« Quelqu’un ? »

Sa voix était à peine audible. Il devait parler avec plus force. Plus de conviction. Ce n’était pas comme ça qu’il pourrait attirer l’attention. Il ferma les yeux et se concentra pour crier aussi fort qu’il le pouvait dans son état de fatigue des plus avancé. Même le soleil disparaissait, il allait dormir en pleine rue. Pour la sixième fois depuis qu’il avait commencé son entraînement. Il espéra que cette fois-ci, il serait plus audible.

« Quelqu’un pourrait m’aider ! S’il vous plaît ! »

Et il tombait dans les pommes, ça valait bien la peine qu’il hurle, enfin, il avait à peine crié. Mais l’intention était là. Il avait alerté son envie d’être aidé. Il en avait fait trop…. Ça devenait symptomatique...

Karah ne voyait rien, n’entendait rien, tout était néant. Il luttait pour revenir dans son état conscient, mais son esprit lui chantait doucement une berceuse, celle qui lui entonnait sa mère avant la disparition de son jeune frère. L’encourageant à sombre plus en plus dans les ténèbres qui l’entourait et l’enveloppait de sa couverture moelleusement dangereuse. L’affection qui sentait était presque palpable. Il se sentait un peu stupide et bien. Il était si fatigué, à bout de force. Pourtant il devait finir son geste. L’artisan n’était pas celui qui reculerait devant l’effort. Il devait se battre, pour lui, pour rendre fier son maître, revoir le sourire du passionné des étoiles et pouvoir rire avec son meilleur ami. Rien ne valait mieux ces instants. Il devait pour ça, lutter. Mais il s’en plus la force. Il devait compter sur son esprit. Le physique l’enchaînant au sol. Il ouvrit les yeux péniblement. La fatigue était si intense. Le visage flou d’une personne commençait à s’éclaircir…

« Merci… Mais qui... »

Il avait si mal, il grimaçait, incapable de sourire à cette personne qu’il avait bien du mal à reconnaître. Il finit par voir le visage d’une femme. Il se mit à rougir, il avait fini par s’écrouler en pleine rue. Il espérait qu’il ne gênait pas cette femme dans son quotidien. Il lutta contre son envie de fermer les yeux. Sa tête tournait, il se sentait vraiment pas bien. Il voulait se lever et surtout s’excuser…

« Par… Pardon, je … Je voulais pas... »

Il avait presque aucune force, parler lui coûtait pas mal de son énergie résiduelle. Il se sentait à nouveau partir, mais il luttait pour ne pas l’embêter. Pour tenter de retrouver la forêt pour y dormir. Comment restait-il en vie ? Personne ne le savait, même pas Karah. Sentait-il qu’on le maintenait ? À peine seulement...

Karah se retrouvait avec une dame qui tentait de l’aider de façon bien peu douce. Mais il sourit doucement par l’effort. L’eau sur son corps lui faisait du bien. Il adorait le contact de cette eau. Il fixa la demoiselle quand elle lui ordonnait de bouger. C’était elle qui bougeait. Il se sentait vraiment pas bien. Sa peau d’ordinaire bien brune avait sûrement perdu de sa beauté. Il rit un peu, hilarité venant ajouter un peu de douleur au passage. Il cessa de rire pour juste regarder cette femme.

« C’est ce que j’ai fait… Demander de l’aide, donc… Faites comme vous le sentez...Entraînement… J’ai pas fini...Mon.. Maitre. »


Il devait pas le décevoir, Karah était têtu comme un mule qui se reposait que quand la fatigue le prenait, comme maintenant, si ce n’était pas son estomac ou la nuit qui le stoppait. Il voyait que peu ses gestes, sauf quand la lune éclairait la pénombre de cette ville. Il rentrerai à Isokan plus fort. Il se l’était promis. Il montrerai à son père qu’il avait assez de force pour se défendre. Peut-être qu’à sa prochaine tentative de le stopper, il pourrait en échapper. Il n’aimait pas être attaché.

« Merci pour… Ce que vous faites… Vous pouvez me mettre… Dans un endroit avec peu de passage. Ainsi je ne dérangerai que peu de monde... »

Malgré la douleur, il savait qu’une fois rassuré, il pourrait mieux se reposer. La fatigue était physique et un peu mentale. Il s’était concentré pour faire les gestes encore et encore. Son corps manquait d’énergie. Il n’était pas très gros, là ce n’était pas vraiment mieux. Il s’était concentré pour réussir au mieux cette danse de la lame. On pouvait voir d’ailleurs sur lui, un sabre en bois. Ou quelque part au sol. Va savoir comment il était tombé.

Karah pouffa un peu, avant de grimacer sur le coup. Cette femme semblait vraiment têtue. Il ne pouvait rien dire sur cet aspect de sa personnalité. Lui-même était un peu pareil. Sinon, il ne serait pas dans cet état. L’artisan avait gagné une protectrice. Voilà des années que seul son meilleur ami avait pris ce rôle. Et les quelques amis de passage aussi. Celle qui le tennait lui donnait un nom. Allyn. Un joli nom. Il sourit faiblement.

« Je me nomme Karah. Je suis un artisan et normalement, je n’évolue pas vraiment ici. Disons… Que j’ai des rencontres qui m’y ont poussé. Mais je ne regrette pas. Je suis si faible… Si faible... »

Il se mordit les lèvres, il devait faire en sorte de retrouver sa bonne humeur. Sa façon d’être mais la fatigue faisait ressortir tous ces côtés moins glamour. Il voulait que ces personnes qui croyait en lui ne soient pas déçu. Comme l’était son père. Il serrait son poing. L’art de combat ne serait jamais totalement son truc. Il restait un pacifique qui se perdait dans la contemplation de la nature et des animaux. Mais abandonner ? Non et non. Il fermait les yeux quelques secondes. Avant de se rendre compte qu’il faisait là une erreur. Il avait voulu ne pas se donner en spectacle et voilà qu’il le faisait.

« Je dois avoir quelque chose dans mes poches... »

En vérité non, il n’avait plus le plein de baies depuis une semaine et vivait de presque rien. Car comme dit plus haut, c’était un pacifique, il tuait jamais, même les branches dans lesquel il sculptait était celles qui traînait par terre. Évitant de prendre celle qui servait d’abri. Donc à part des petits sculpture et couteau, il n’y avait rien à trouver.

« Vous avez un joli nom... »

Belle tentative de détourner l’attention sur lui...

Karah rougit un peu, il n’avait pas l’habitude des compliments. Qu’importe qu’ils soient réguliers ou non, c’était un peu gênant. Puis vint la question de pourquoi il faisait ça.

Il grimaça un peu, oui, il était épuisé, il en faisait de trop et ce chaque jour que les dieux faisaient. Mais devait-il arrêter ? Non, s’il montrait à son maître qu’il avait manqué de volonté, il pourrait pas lui faire face. Il montra un visage qui se voulait plus déterminé, en tout cas, son regard en était rempli de cette envie de toujours se dépasser. De danser avec les limites que lui imposait sa condition physique et mentale.

« Il est épuisé, pour le moment, mais avec une bonne nuit de sommeil, tout ira bien. Je m’en fais pas plus que ça. Si je fais ça, c’est justement pour être plus fort. Éviter que les gens qui m’apprécie au moins un peu ne soit pas gêné par ma faiblesse. Mon corps ne veut pas que je continue aujourd’hui. Je l’ai compris. Je ne suis pas stupide. Mais j’ai perdu le compte. »

Le pro des comptes, ce n’était clairement pas lui. Il bradait parfois ses créations sans broncher. Il voulait montrer à ses gens qu’il pouvait être autre chose qu’un boulet que l’on traîne. Il n’avait pas envie que d’autres regards se teintent de déceptions. Il en avait vu, de ce genre de regard. Son pacifisme ne l’avait pas faire suivre la même voix que son paternel. Il était artiste et fier de ça. Qu’importe ce qu’on disait, peu importe les efforts qu’il faisait pour être encore meilleur, il était content de savoir que ses créations plaisaient.

« Et puis, je serai moins dans les jambes de mon père, il sera content. Je suis assez grand pour me débrouiller seul. N’est-ce pas ? »

Il voulait croire en ces mots. Il y mettait toute la conviction que lui permettait son état...