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C’est la fête !
Il se cassait ? Comment ça, il se cassait ? Elle lui offrait sur un plateau d’argent une occasion de passer un moment avec la plus belle meuf de la soirée alors qu’il en était le dernier des cassos et il osait poliment décliner ?
Monsieur Blaireau n’était pas seulement un gros beauf : il était complètement teubé.
Alisha n’eut pas le temps de penser à quelque chose à répliquer qu’il s’éloignait déjà. Tant pis. En dépit du supposé pouvoir et de la supposée richesse de ce gros lourd, retourner à son plan originel d’une promenade de reconnaissance en tête à tête avec son beau gosse aux tendances chevaleresques lui convenait tout à fait et puisque Monsieur Blaireau comptait sans surprise retrouver sa compagnie plus tard, il serait toujours temps d’exploiter ce potentiel filon d’informations et de cadeaux onéreux à un moment plus avancé de la soirée, hein ?
De son côté, le garde paraissait soulagé de le voir s’éloigner. Il avait l’air sincèrement désolé et malgré elle, Alisha se sentit touchée de le voir autant prendre la situation au sérieux et s’inquiéter pour elle. Elle se surprit à songer que si le monde avait comporté plus d’hommes tels que lui, sa jeunesse aurait parfois été un peu moins… enfin non, à quoi bon y penser ? Elle s’était endurcie, avait appris à se défendre, à savoir ne compter que sur elle-même et dans le fond, la chose avait tourné pour le mieux. Alisha s’accaparait désormais avec délice tout ce que ceux qui la méprisaient en la réduisant par leurs regard lubriques, leurs répugnantes mains baladeuses et leurs remarques dégradantes à un vulgaire morceau de viande juteuse à se mettre sous la dent étaient prêts à lui offrir – passe-temps délicieux et fort lucratif dont elle serait bien la dernière à nier l'arrière-goût savoureux de vengeance.
"Ne soyez pas désolé, vous n’y êtes pour rien, lui répondit-elle avec une douceur qui était parfaitement sincère. Il n’avait pas l’air de penser à mal, mais je n’ai pas encore eu beaucoup d’occasion d’interagir avec les hommes de votre peuple et comme nous n’avons probablement pas les mêmes... codes, je ne suis pas encore sûre de pouvoir interpréter correctement ce genre de choses." C’était tout de suite beaucoup moins sincère : choc culturel ou pas, elle était fermement décidée à faire confiance à son instinct et ne jamais juger Monsieur Blaireau digne du moindre bénéfice du doute. "Je n’hésiterai pas à lui dire non si j’ai l’impression qu’il va trop loin, ou à venir vous voir si j’ai trop peur de… l’offenser. Merci", ajouta-t-elle après une brève hésitation, et son sourire était vrai.
Elle aimait bien ce garçon. Est-ce que cela voulait pour autant dire qu’elle regrettait de lui avoir menti quand à de prétendus amis qui auraient osés l’abandonner derrière eux ? Pas une seule seconde : elle avait trouvé la parfaite excuse pour passer un bout de cette prétendue fête en sa compagnie et il n'avait absolument pas de quoi s'en plaindre. Si l’un de ses objectifs était de le présenter à une potentielle âme sœur et que les choses finissaient par marcher entre lui et Chris, ne devrait-il au contraire pas la remercier profusément de lui avoir ouvert la voie qui le mènerait jusqu’à son seul et unique grand amour ? Ou dans le pire des cas, à une nuit torride sans lendemain entre les bras d’un beau gosse qui – à défaut d’être aussi musclé – avait une gueule au moins aussi belle que la sienne. Dans tous les cas, pas vraiment de quoi se scandaliser, hein ?
"Devrions-nous aller chercher vos amis ?
- Oui, c'est vraiment sympa de votre part !" s'écria-t-elle avec reconnaissance. "Merci beaucoup, je suis sûre qu’ils ne doivent pas être loin. Ils ont dû prendre un de ces couloirs là-bas, j’imagine ?"
Alors qu’ils s’engageaient à travers la salle, Alisha ne perdit pas de temps et en reposant négligemment son verre de vin vide sur la première table qui passait, décida d’en apprendre plus sur son nouveau tatoué favori ; elle n’était pas du genre à laisser l’occasion à un silence plein de malaise de venir s’installer et gâcher ses rencontres qui avaient à peine commencées.
"Dites, je me demandais… les tatouages comme ça, c’est courant, chez vous ? Je ne me rappelle pas en avoir vu des rouges sur d’autres personnes, mais je n’ai pas non plus vu grand monde. Est-ce que vous faites ça pour raison esthétique ou parce qu’ils ont une signification particulière ? Si ce n’est pas trop indiscret, bien sûr", ajouta-t-elle plus par souci de politesse que par réelle peur d'avoir touché à un sujet trop personnel.
Il portait sur lui le fait d’être quelqu’un de très carré, mais cela voulait-il dire qu’il était réservé ? Peut-être était-il surprenamment bavard une fois qu’on le lançait ?
