, persifla la rousse dans un grondement de gorge.

Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle aurait volontiers ajouté un point d'exclamation sonore à son juron. Sauf qu'attirer l'attention sur elle ne ferait qu'empirer son profond état d'agacement. Elle fouillait à la fois activement et le plus discrètement possible le Temple des Divins. À la recherche de quoi ? C'est très simple. Regardez à sa ceinture et vous viendrez à la même terrible observation que celle qu'elle s'était faite juste en sortant du Palais, sentant un manque inhabituel.

Oui, son marteau y est encore ; avec son poids elle n'aurait pas pris autant de temps à se rendre compte de sa disparition. Sa bourse aussi est là (précieuse chose).
Mais, plus précieuse encore, sa petite poupée de toile n'y était plus.
Vous comprendrez alors que son agacement n'est que le reflet d'une angoisse purement enfantine ? Plus qu'un attachement profondément affectif, l'odeur et la présence de cette poupée près d'elle lui étaient aussi nécessaires que la main d'un parent à son enfant. Elle ne le montrerait jamais, mais sans cette petite chose de toile, elle se sentait plus perdue et fragile que d'habitude. À elle seule, elle comblait difficilement le vide  dans son cœur qu'avait laissé la perte de son père, mais comblait quand même... elle l'apaisait. Depuis toute petite, ce petit objet tissé grossièrement l'accompagnait n'importe où elle allait ; c'était devenu un fidèle compagnon de route. C'était de plus la seule chose qui lui restait de son père. D'où son acharnement pour la retrouver, ainsi que sa nervosité rageuse. C'était trop con de la perdre de la sorte, beaucoup trop con.

Mais OÙ est-ELLE puTAIN ?

Elle avait l'impression de tourner en rond. Putain, ce n'est pas comme si elle avait dansé comme une tarée et dans tous les recoins de l'endroit possibles et imaginables ! Son mentor l'avait envoyée ici pour transmettre un message à un de ces cons de bonzes, putain de merde mais c'est quoi cette poisse de perdre sa poupée comme une grosse demeurée ? Merde.... Merde.... Merde !
Elle avait fouillé en refaisant tout son trajet, mais rien. La poupée est obligatoirement ici. Il le faut. Elle se sentait d'humeur particulièrement irrationnelle dans ce genre de situations. Du genre électrique, du genre nerveux et agressif. Et elle n'avait clairement pas envie de demander de l'aide aux autres personnes présentes - ses affaires ne regardaient qu'elle. Elle n'avait même pas pensé à cette éventualité, l'esprit bien trop accaparé.

Les dieux sont vraiment des chiens s'ils ont décidé de prendre sa poupée comme une offrande gratis. Putain, rien n'est gratis bande de ploucs, rendez-lui sa poupée bordel de merde ! Ce n'était pas la poupée en soit mais plus tout ce qu'elle représentait qui importait. Rendez-la lui....
Ses traits étaient plus ombrageux que de coutume et ses mâchoires, crispées. Elle était énervée, majoritairement contre elle-même. Et quelle perte de temps en plus ! Son mentor doit probablement se demander ce qu'elle est bien en train de fiche. Fais chier.... Fais chier ! Temple de merde ! Et surtout, poisse de merde ! C'est mort, tant qu'elle ne la retrouvera pas, elle ne bougera pas d'ici, rien à branler des regards curieux des gardes ni même des autres !

La rouquine releva la tête. Regarda un bref coup derrière elle.
C'est à elle qu'elle cause la meuf ? Tùpka réprima un geste agacé, le regard profondément noir. Elle montra les crocs, regardant de bas en haut la blonde un coup, l'analysant.

L'appellation sembla résonner entre ses oreilles, agressive à souhait. Elle ne se gêna pas pour toiser son aînée, bien trop énervée pour même jouer aux petites cruches mutiques comme elle le fait pour éviter qu'on l'emmerde. Quand les gens nous pensent cons et faciles à marcher dessus, ils ne prennent même pas la peine de relever notre présence. Pourtant, on pouvait dire qu'elle avait un sacré caractère de merde la Tùpka, du haut de son mètre soixante-huit. D'ailleurs, il crépitait dans ses yeux verts, animé d'une lueur mauvaise. Elle se détourna, ne calculant même pas son interlocutrice.
 , asséna-t-elle, entre le sarcasme et le sombre.

Il fallait le dire : c'était gratuit, ça, pour le coup. Mais à vrai dire, elle aurait réagi de même avec un ijobien pour peu que sa gueule ne lui soit pas revenue - ce qui est régulièrement le cas. Envoyer des piques bien mordantes, ça a toujours un petit côté satisfaisant, encore plus quand c'est gratuit et encore plus avec un inconnu.

Enfin, une, dans ce cas.

Un bon moyen de se défouler un petit peu.... Et puis, même, de titiller l'ego de l'autre. Non parce qu'au fond elle était curieuse la Tùpka, ça a quelle gueule l'ego de ces étrangers ? Est-ce qu'il y a moyen de bouleverser cette société qu'elle méprise et d'y foutre un bordel sans nom pour que du chaos surgisse un ordre qui ne soit dicté par personne d'autre que le bon sens de chacun ? Le bon sens... Ou la force intérieure. Ouais, la force intérieure, ça sonne moins utopiste absolument à des kilomètres de la réalité. Et, la réalité : ça lui cassait profondément les ovaires, cette hiérarchie sociale basée sur le fric et de ces distorsions du culte qui donnent lieu à des superstitions bousillant facilement bien trop de vies dès entrée de jeu. D'accord, ça l'avait forgée, n'empêche quand on peut avoir le choix entre un morceau de pain moisi depuis des millénaires et une miche bien fraîche du matin, le choix est vite fait. Cette société lui provoquait une indigestion mentale, sans rire. Pas étonnant qu'elle veuille changer de régime.
La rousse reprit ses recherches - on pouvait presque visualiser un brouillard noir se former autour de sa tête.

Du coup, cette poupée.
Ah, oui : introuvable.
Le respect ? On en attend encore le statut. Il n'est pas mourru, aux dernières nouvelles ?

En sécurité ? Elle n'avait pas tort. Tùpka connaissait bien une blonde à Aisiki qui n'hésiterait probablement pas à aller à des mesures particulièrement extrêmes, concernant les étrangers. Son avis à elle se résumait au désir que ce vent de renouveau chamboule totalement le fonctionnement ancestral d'Ijoba.

Enfin, euh, pourquoi elle écoute ce que lui raconte cette blonde d'abord ? Rien à branler d'elle. Juste une emmerdeuse comme beaucoup trop d'autres... Et franchement indiscrète, elle en avait l'intuition. Le genre d'adultes qui te colle au cul par soi-disante bienveillance envers les plus jeunes générations. Elle n'a pas besoin, jamais eu besoin de personne d'autre que sa famille. Sa main, elle peut se l'enfoncer jusqu'au gosier, elle finirait par retrouver sa poupée quoi qu'il en coûte, et seule.

Et puis merde, qu'est-ce qu'elle penserait d'une jeune femme pétant un câble juste pour un bout de chiffon tissé ? Pas besoin de montrer ses faiblesses à une étrangère.
Ça l'angoissait toujours de ne pas la retrouver sa poupée, d'ailleurs, même si elle préférait montrer ombre agressive et renfrognement au monde extérieur.

Aussi rêche qu'un ourson mal léché. Elle zieuta de nouveau l'adulte, ainsi que l'objet qu'elle tenait entre ses mains.

Ah parce que si elle était là pour foutre le boxon, ça l'intéressait carrément plus même si ça ne se voyait pas sur sa gueule antipathique. Sa dernière phrase provocatrice n'avait pas été balancée purement gratuitement cette fois. Puisqu'elle a une voyageuse sous la main, le temps que ce soit sa poupée qui soit sous sa main, ça peut toujours être intéressant d'observer leurs mentalités.... Et la limite de leur patience. Elle n'en avait rien à foutre de cette blonde sortie du trou du cul de la montagne, par contre elle gardait un œil sur le groupe dont elle fait partie, mine de rien. Ebo, tout comme Lenorian, seraient probablement intéressées aussi bien l'une que l'autre par ce qu'elle pourrait apprendre...
Une révolution ne se construit pas du jour au lendemain.

Putain, quand on la lance on ne l'arrête plus on dirait ? Non mais c'est possible d'avoir autant de sel en soi ? En parlant de quelqu'un avec du sel, Tùpka tira la tronche et ne se donna même pas la peine de lever les yeux au ciel lors de l'interminable tirade de l'adulte. C'est bon, elle a fini d'étaler à quel point sa répartie d'adulte est acérée ? Ça ne la fatigue pas de voir que ça ne lui fait rien, tout son blabla qui au final n'a même pas répondu à sa question ? Enfin si, elle venait faire une offrande parce que youpi pouvoir de l'amitié et des contes de fée et, et.........
Ah. Si, elle lui a répondu point par point la bougre. Merde, elle voulait la défoncer sur ce point là dans sa tête la Tùpka. Déception. Mais quelle plaie, les vioques ! Ça fouine puis ça vient faire genre qu'ils savent parler aussi salé que soi. Au moins avec Umpheki, on sait directement à sa tête que la salière est pleine et qu'elle est extrêmement généreuse avec tout le monde sans aucune distinction pour ce qui est d'en distribuer, du sel. Elle commence à l'agacer cette blonde finalement, à s'accrocher comme de la bardane. C'est con, non, elle qui veut tester sa patience rien que pour se défouler ?
Et cette putain de poupée de ses couilles qui reste introuvable. La rousse grogna, cracha.

Allez, elle allait bien pouvoir lui foutre un coup de patte sur son fort potentiel à être une sainte-nitouche, non ? Juste un tout petit mini riquiqui gros coup de patte. Tùpka restait acerbe dans son ton, ne se démontant pas.

Ça s'échange les piques, et sec.



Et c'est là que ses iris verts se posèrent sur un matou tigré, dans le coin de la pièce. Les yeux ronds, les babines retroussées. Et à ses pieds....

Et bien, sa poupée.
Le chat plaqua lentement ses oreilles en voyant la forgeronne arriver à grands pas pleins d'une colère fébrilement contenue d'avoir passé tout ce temps à chercher un objet que ce connard de chipeur s'est amusé à se trimbaler dans tout l'endroit pour jouer avec. La rouquine ralentit.
Okay. Il faut y aller subtilement. Tùpka soupira intérieurement, sur les nerfs, mais s'efforça de prendre une grande inspiration.

Avec les chats, c'est simple : il ne faut pas qu'ils devinent ce que l'on veut véritablement et encore moins qu'on s'intéresse à eux.
C'est pourquoi la rousse bifurqua sans jeter un seul regard au félin. Puis rasa le mur. Se rapprocha, innocemment. Sont beaux les murs, franchement. Bg, le plafond. Fifioufiou, tralala, c'est fou comme elle n'est absolument pas en train de s'approcher l'air de rien de la boule de poil. Rectification : saloperie de boule de poil. Parce qu'elle a bondi, et que cet enfoiré l'avait bien évidemment repérée depuis un bail cette conne d'humaine à son supposé service. En un temps record et alors que la main de l'apprentie s'approchait vivement de la poupée, le chat hérissa le poil, feula et une jolie griffure s'implanta dans le dos de ladite main.
AÏE !!

Quitte pour quitte, Tùpka se jeta sur la sale bête. Cet enfoiré avait gardé la poupée entre ses crocs reluisants et défendit son bien volé à grands coups de griffe. La jeune fille parvint à le choper au cou. Récolta des coups de rasoirs aléatoires, en évitant certains et d'autres moins. C'est sur une dernière griffure bien dans la joue que le voleur parvint à se libérer de sa poigne et courut se réfugier près de l'arbre, crachant et grondant.
Un sacré échec, autant le dire. Mais Tùpka n'allait certainement pas abandonner. Elle s'apprêtait déjà à retourner se battre. Ce n'est pas un sale matou qui lui casserait les couilles, okay ?
Et puis... Merde.... Merde ! Ça l'angoissait plus qu'elle ne voulait bien l'admettre, s'il venait à l'abîmer ou couper une couture, déversant tout le contenu à travers le Temple. Elle commence à dater, cette poupée, et ses fils aussi.

Ça va, le spectacle l'amuse bien ? Elle veut un verre de cocktail pour accompagner le tout ? Mais quelle emmerdeuse. Elle dit ne pas tout savoir mais elle agit clairement comme une mademoiselle je-sais-tout.
Tùpka détestait ça.

Tùpka essuya d'un revers du dos de la main la goutte de sang qui perlait sur sa joue et marcha en direction de l'arbre, sans un regard ni un mot. Elle était trop bouffie par la colère et l'inquiétude, même si ça ne se reflétait que par un air encore plus sombre que d'ordinaire. Elle n'avait pas d'énergie à dépenser pour une étrangère qui trouve si amusant  de la rabaisser à une gamine incapable de même tenir un marteau. Elle est apprentie forgeronne, et adulte aux yeux de la société depuis plus de six ouragans. Elle n'a besoin de personne... Encore moins de l'aide d'une femme aussi arrogante et invasive que celle-ci. Qu'elle aille se faire foutre, que tous aillent se faire foutre.

La rousse jaugea la situation. Le chat était en haut dans les branches, sa poupée toujours dans la gueule et la fixant avec des yeux ronds attentifs. Il ne paraissait pas près de redescendre pour l'instant.
Elle croisa les bras, se plantant en face du gigantesque végétal.
Elle aurait bien balancé son marteau de jet si elle ne risquait pas de le perdre entre les branches ni... d'abîmer l'arbre, s'attirant ainsi potentiellement les foudres des autres personnes présentes ainsi que celles des dieux.
Bwarf, pour ce que ça change pour les dieux... N'est-elle pas censée être une enfant maudite, après tout ?
Elle attendit quelques minutes.
Souffla silencieusement par les narines.

Elle finit par s'asseoir en tailleur, attendant que cet enfoiré de chat veuille bien descendre pour lui rendre son bien. Geez, si même ses comparses poilus se mettent à la faire chier en plus de ses semblables humains... C'est vraiment que c'est une journée de merde. Quoiqu'il n'y a pas besoin d'une journée de merde pour qu'un chat nous emmerde.
Elle posa son menton dans sa paume, légèrement penchée en une asymétrie blasée. Ses émeraudes ne lâchaient pas le voleur tigré. Elle se dit que son mentor comprendrait bien son retard à la forge si elle lui expliquait en gestes silencieux comme elle le fait souvent.