« I wanna hide the truth, I wanna shelter you. But with the beast inside, there's nowhere we can hide. No mattert what wee breed, we still all made of greed. This is my kingdom come »

Alors que Genzo San introduisait sa demande, Thadas prit un peu son aise et passa son bras droit derrière le dossier de sa chaise en une posture plus décontractée, toisant avec défi et amusement son interlocuteur, un petit pli retroussant ses lèvres en un sourire aiguisé. Il ne dit rien, haussant uniquement un zygomatique, les yeux un peu plissés et les ambres toujours scintillantes.

- Enfin, je dis ça, mais c'est quand même assez voyant hein ?
- Hm-hm.

"Allez chaton, viens-en au fait et arrête de tourner autour du pot. Je ne vais pas te manger..."
À moins que jouer ainsi avec cet homme ne soit considéré de la sorte ? C'était de fait une discussion très nourrissante et voir les stratégies de chacun était un spectacle très plaisant. La rencontre de deux esprits affûtés.... De deux esprits affûtés et déterminés à obtenir quoi qu'ils veuillent.

Thadas eut une petite pensée pour le garde à l'extérieur de la pièce qui devait probablement entendre des chants en fuser sans aucune raison vraiment valable depuis qu'il y était entré.
Enfin, l'étranger déballa son bail. Le Grand Prêtre réfléchit un instant, l'éclat dans ses prunelles oscillant entre le sérieux et le chat joueur - à son tour.

Il faut savoir que son ego est particulièrement disproportionné et que son rang n'y aide pas forcément. Que les autres lui obéissent et que les choses se passent exactement comme il les a prévues ou pressenties est une banalité pour lui. Pour acquérir de cet homme un respect profondément viscéral et une obédience exemplaire, il faut soit être du monde divin, soit être la Reine.
Mais enfin, soit, en acceptant de jouer à ce jeu, c'était en connaissance des règles et sa rigueur innée ainsi que son sens du devoir ne pouvaient que le pousser à remplir sa part du divertissement. Et puis.... l'appât de la vérité attirait aussi Thadas. Après tout, il est là pour éclaircir les choses dans sa tête ainsi que pour la Reine et Ijoba, pas vrai ? Et pour ça, il lui faut des informations, et des bonnes. Ce Genzo San lui tendait une bonne perche pour ça.... il ne s'en priverait pas, bien qu'il n'excluait pas la possibilité que ce dernier manque à son honneur en lui mentant. Il aviserait de cela en temps voulu.

Il pouffa sourdement, ce qui souleva par légers soubresauts sa poitrine et il se leva avec souplesse pour se diriger vers le pérégrin et s'arrêta à quelques centimètres du lit, croisant de nouveau les bras pour l'examiner avec un sourire presque éthéré.

- Tu es un drôle d'homme, tout de même.  , fit-il sobrement de sa voix séraphique, avec un ton ma foi un peu lascif mais éveillé.

C'est vrai, après tout, riche comme était Thadas et puis vu tout le pouvoir que son statut lui confère, il aurait aisément pu lui demander des coquillages ou d'autres frivolités matérielles de la sorte, des vêtements, des conditions de vie meilleures au palais - bien que ce ne soit pas le goulag, non plus ici -....
Après, pas dit que Thadas aurait accepté si ça avait été exagéré. Peut-être que c'était justement une stratégie comme on en connaît tant, commençant par de petites demandes semblant dérisoires jusqu'à ce qu'on ait énormément de mal à refuser quoi que ce soit d'autre et ce même s'il s'agit d'actions terriblement galères à réaliser.
Il verrait bien, il connaît bien ces techniques après tout, pour y avoir été souvent confronté face à des marchands par exemple.

Il investigua de son regard quelques instants de plus le visage du gus puis se pencha, passant ses bras sous son corps pour le soulever comme une princesse. Ce ne fut pas très compliqué au vu de la carrure de Thadas et leur différence de poids et de taille, mais il lui fallut prendre une petite inspiration avant cela. Il revint s'asseoir ainsi sur sa chaise qui grinça légèrement sous leurs deux poids - après tout, il ne lui avait aucunement indiqué de lieu où l'emmener ainsi, le religieux avait donc pris la liberté de se placer comme il l'entendait.

Thadas eut de nouveau une pensée pour le garde au-dehors et ça le fit ricaner intérieurement d'imaginer la tête qu'il aurait s'il entrait et les voyait tous deux ainsi.
"Satisfaite, princesse ?"

- Vérité, uh ?

Thadas avait eu tout le temps nécessaire pour formuler sa question. Il la dit en regardant Genzo San droit dans l’œil, une ombre un peu grave teintant ses iris sans toutefois que cela n'enlève l'amicalité qui s'y était petit à petit insinuée.

- Est-ce que toi et les tiens comptez d'une manière ou d'une autre nuire aux habitants de cette île ?

Ses mains se raffermirent un peu sur son corps, aussi franches que ses paroles, sans qu'il ne se crispe pour autant, gardant son attitude détendue et pleine d'assurance.

You are the rite of movement
Its reasonin' made lucid and cool
I know it's no improvement
When you move, I move

La chaleur du corps de Genzo San lui parvenait à travers ses étoffes étrangères, mais qu'elle témoignât qu'il soit humain comme lui n'enlevait rien à ce fait. S'il représente une menace quelconque pour les siens.... il ne resterait pas passif.

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Thadas devait avouer que c'était une drôle de situation, deux inconnus collés l'un contre l'autre en train de jouer à une version hors-ijobienne d'"Oorun la vérité, Odale l'activité" comme s'ils étaient encore des adolescents. S'il n'était pas aussi concentré, il aurait certainement ajouté que c'était très rafraîchissant et qu'il ne s'était que rarement autant amusé à se renseigner et à découvrir un nouveau pékin.

- Les miens sont actuellement sur un autre continent, une autre île, entre les mains de mon meilleur ami. Il ne te fera rien, ils doivent penser que je suis mort et c'est tant mieux, pour eux, et moi.

Hm ! C'est vrai qu'il n'avait pas exactement pensé à tout ce monde extérieur à l'île, se concentrant surtout sur les individus étant déjà présents parmi eux. Il faudrait qu'ils y réfléchissent et rapidement avec la tête pensante d'Ijoba pour se préparer à tout ce qu'il pourrait arriver maintenant. Ça semblait compliqué de boucher la brèche créée dans la montagne par l'ouragan, mais il serait peut-être bon de placer un garde ou deux planqués dans le décor au cas où d'autres étrangers arrivent. Si Genzo San lui assurait qu'a priori, ils n'avaient rien à craindre d'eux, Thadas préfère toujours avoir deux temps d'avance, parce que c'est toujours plus facile de prévenir que de guérir. Si l'on prend le pire des scénarios, c'est-à-dire que des hordes d'humains absolument barbares et complètement sourds à toute discussion débarquent pour mettre l'île à feu et à sang, il serait bon d'avoir des guetteurs pour sonner l'alerte et, soit prendre repli dans un lieu en sécurité si l'ennemi est trop grand, soit le sortir hors de leurs terres à coups de lances et d'épées.

Encore faudrait-il savoir à qui ils auraient exactement à faire, ainsi que des moyens technologiques qu'ils auraient à disposition.
"Ô dieux, je vous en prie, faites que l'on n'ait point besoin de faire la guerre avec nos semblables humains. Vous savez tout comme moi que la violence n'est pas la clef et j'espère bien qu'elle ne sera utilisée qu'en cas de dernière nécessité... Guidez-nous pour que tout se passe bien entre nous tous, aidez-moi à protéger la paix et le bonheur de chacun de vos enfants, chacun de mes frères et de mes sœurs."

La peau du visage de Thadas tressauta subrepticement sous le toucher de Genzo San mais bientôt, les lèvres du Grand Prêtre s'amincirent en un fin sourire alors qu'il ébouriffait éhontément ses mèches poivre-et-sel. Il appréciait ces caresses, c'était agréable, c'était à la fois enfantin et amusant. Chaleureux.

Oui, définitivement, si tout pouvait être cordial comme ici, ce serait probablement l'un des meilleurs scénarios.
Il faudrait néanmoins qu'ils prévoient une réunion, la Reine, les Oguns, éventuellement d'autres conseillers ainsi que lui-même. Rapidement, si possible, parce que de toute façon ça ne va pas être possible de garder éternellement ce groupe enfermé dans l'enceinte du palais. La preuve : certains ont déjà fait plus d'une escapades - sans faire de grands dégâts, heureusement.
Et puis, ce n'est pas une manière de traiter d'autres compères humains, aussi inconnus soient-ils...

Un peu comme s'ils étaient les deux reflets d'un miroir, l'un et l'autre délaissa un peu d'air grave au fond de leurs yeux au profit d'une étincelle purement féline et joyeuse.

Tout compte fait, avoir ce poids qui lui écrasait les cuisses était plaisant, il aimait cette petite ambiance qui s'était installée. En fait, plus ça allait et plus il se disait que....

... Il l'aimait bien, le chanteur.

- Tu vois, j'ai été parfaitement sincère ~

Thadas rit tranquillement, ses ambres s'abîmant doucement dans l'ébène de son regard. Sa main calée dans le dos de l'aventurier glissa pour une posture plus confortable, sa paume arrivant à ses épaules alors que ses lèvres effleuraient ingénument l'intérieur de son poignet dont les doigts continuaient de jouer avec ses cheveux, de l'humour et de la franchise chatoyant dans ses agates.

- Merci chaton, j'apprécie.  , dit-il calmement.

Il s'y faisait, à cette appellation, "chaton" - elle lui semblait presque naturelle.

Il n'avait pas perçu de pulsions particulièrement mauvaises venant de lui.

- Pour ce tour-ci.... Je te laisse le choix entre une Vérité ou une Action.

Mais il n'a pas tout à fait terminé de le tester, le bougre. Il veut voir sa mécanique intérieure de plus près. En apprendre plus sur lui, en somme.
Roh, et puis on ne va pas se mentir, Thadas aime se divertir, surtout que cet affable monsieur l'intéresse beaucoup. La lueur dynamique dans son regard sérieux le montrait bien et il n'essayait d'ailleurs même pas de l'étouffer.

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Thadas se surprit à frissonner. Ces petites caresses mutines qu'ils s'échangeaient étaient vraiment douces. Enfin, Thadas avait quelque peu les mains occupées à porter Genzo San, mais ses lèvres avaient gardé le contact de sa peau en mémoire. Il prit une profonde inspiration, le laissant silencieusement explorer son tatouage de prêtre tout en observant avec calme et sérieux son visage. Il se demanda si les tatouages que lui-même voit sur les bras de Genzo San sont à but spirituel, mais l'étranger n'avait pas exactement l'allure d'un prêtre. Après.... qui sait ? Enfin, il aurait probablement tout le temps nécessaire pour se renseigner à ce propos.
Chacun faisait un petit pas de plus vers l'autre, tâtant le terrain avec audace et nonchalance. Cherchant probablement à s'apprivoiser alors qu'ils ne se connaissaient même pas plus tôt dans la journée.

Alors, c'était ça, la rencontre entre deux fauves ? Ils se comprenaient vite et bien, c'en était surprenant. Ils voyaient toutes les cordes qu'ils tissaient tranquillement entre eux et tels deux félins jouaient avec comme s'il s'agissait d'une pelote de laine. Pour un peu, on aurait pu les prendre pour deux enfants insouciants. Ce jeu était faussement innocent.

- Ce sera donc un mélange d'une vérité et d'une action.

Thadas haussa un sourcil, sa curiosité étant titillée. Il ferma presque les yeux quand de nouveau la main du brun s'enfouit dans sa chevelure, un sourire fin faisant écho à celui du voyageur. L'éclat dans ses iris clairs s'attendrit légèrement face à sa demande bien qu'il en analysa les propos.
Il y a bien moyen qu'ils s'intègrent à Ijoba sans faire trop de remous, il faut juste y réfléchir attentivement. Peut-être, une fois qu'ils en sauront plus sur ces étrangers, qu'ils pourraient proposer à certains d'entre eux de rejoindre la vie active d'Ijoba tout en étant surveillés les premiers temps. Ce n'est qu'une idée, et il faudrait d'abord que les habitants de sa chère île soient apaisés, mais elle pourrait éventuellement être mise à considération. Comme dit plus haut, il n'est selon lui pas possible de garder éternellement ces personnes emprisonnées dans un palais tels de vulgaires objets.

Il y a tellement à faire pour que chacun vive sereinement, surtout avec tous les troubles actuels...

- C'est une demande intéressante... et je t'avoue que je suis tout aussi curieux quant à votre culture.

C'était donc un "oui" que Thadas lui exprimait, tout en introduisant subtilement lui aussi une demande. Il ne perdait pas exactement ses objectifs de vue... Vieux filou.
Genzo San n'avait pas fini et ses yeux s'arrondirent un peu, le temps d'un instant.

- J'ai envie de m'amuser avec toi, Thadas.
- ...Oh ?~

Une lueur espiègle vint allumer le fond de ses ambres alors que son sourire se fit quelque peu prédateur.
Quelle intéressante tournure de situation.
La nouvelle position de Genzo San libérant sa main droite, il se servit du pouce de cette dernière pour doucement suivre la ligne de sa mâchoire, pouffant avec un amusement non dissimulé, prenant son temps.

- Un nouveau jeu t'es venu à l'esprit, chaton ?  , fit-il calmement et peut-être un peu sournoisement aussi, une expression presque innocente sur le faciès.

Le "presque" est le mot important ici. Si Thadas fut une fois innocent par le passé, ce n'est plus le cas depuis un moment. Tout a un double-sens. Thadas aimait lui aussi jouer sur l’ambiguïté de ses dires, laissant à la portée de son interlocuteur plusieurs portes tout en suivant avec attention son cheminement.
Le chat de tout à l'heure qui s'était repu puis résigné à ne pas avoir plus pour l'instant s'était pelotonné dans le lit, regardant les deux humains et leur proximité du coin des yeux avec un air neutre.

Quelle sorte de piège étaient-ils chacun en train de plonger l'autre dedans ?
Il tardait au religieux de le découvrir.
Tout pouvait arriver maintenant qu'ils paraissaient de moins en moins étrangers l'un à l'autre.

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Que pouvaient bien penser les dieux de cette situation ? Étaient-ils d'accord pour qu'un étranger et un ijobien se rapprochent de la sorte ? Est-ce qu'ils désapprouvaient ? Est-ce qu'ils s'en fichaient royalement ? Bonne question. Thadas considéra que si la foudre n'avait toujours pas traversé le plafond pour le réduire à l'état de poussière, c'était peut-être qu'il suivait le bon chemin, restant fidèle à lui-même.
Jeu dangereux, uh ?
Pour l'instant, c'était plus l'ambiance entourant ce brun aux yeux dépareillés qui prenait cette tournure-là. Les prunelles de Thadas suivirent le changement de ses mimiques, la sensualité de la situation devenant de plus en plus présente lui arrachant un petit frisson. À la fois ils tenaient chaud l'un à l'autre en s'étreignant de la sorte, à la fois il y avait comme un pic de glace, celui de l'appréhension, celui d'une menace inconnue mais qu'on sait non mortelle, qui participait à la tension qui grimpait légèrement d'un cran.

Bien que Thadas l'ait pressenti, ce Genzo San avait plus l'aura d'un fauve que celle d'un petit félin. Ça ne pouvait que rajouter un peu de piquant à leur divertissement, il se dévoilait petit à petit.

- Il y a beaucoup de choses à dire, sur nos cultures.

Le regard du Grand Prêtre se teinta d'une cupidité sans nom, l'espace d'un instant. Il avait de nombreuses qualités humaines, mais si l'on pouvait bien le désigner par un terme, ce serait aussi celui d'homme avide. Avide de reliques, de pouvoir, de productions de qualité, de coquillages, d'objets précieux.... et quoi de plus précieux que la connaissance ? Pendant un bref moment, il eut l'impression d'être comme un enfant auquel Genzo San ouvrait millimètre par millimètre un coffre débordant de richesses étincelantes comme il n'en a encore jamais vues. Il n'avait pas peur d'être aveuglé par elles, il souhaitait les posséder en leur entièreté ; les faire siennes. Plus encore que le côté pratique d'avoir toutes les informations en main ou presque, c'était une véritable jouissance que de festoyer du savoir d'une civilisation inconnue. Thadas était un stratège mais aussi un érudit.
Un rapace insatiable.

Thadas laissa calmement l'homme aux multiples facettes s'étirer comme un chat, soutenant de nouveau son dos de sa paume tiède pour lui faciliter la tâche, appréciant leur promiscuité d'un regard amusé et inquisiteur. À vrai dire, il s'était tellement accommodé à la courte distance entre leurs deux visages que le baiser de Genzo San le surprit presque, ses lèvres ayant à peine le temps de s'habituer aux siennes que déjà elles s'en allaient, laissant une traînée de petits frissons alors qu'il prenait une courte et silencieuse inspiration.

Il se sentit en pleine perdition. C'était étonnamment délicieux.

- Commençons le jeu dont aucun de nous ne connaît vraiment les règles.
- Je crains qu'il ne nous faille nous contenter que des limites du danger, mon cher.  , siffla tranquillement Thadas en désignant d'un regard éloquent les jambes de Genzo San, son pouce caressant sa joue gauche puis glissant alors que sa main s'installait doucement dans le creux de son cou.

Thadas n'est pas un sauvage. Ça sautait aux yeux que le corps du chanteur avait besoin d'encore un peu de repos. Et puis n'est-il pas encore plus grisant de chercher des moyens de s'amuser en tenant compte de ce paramètre singulier ? Trouver les limites du danger... C'était un défi intéressant. Est-ce que leurs esprits brouillés par l'ambiance du jeu parviendraient à les discerner dans l'horizon lointain de leurs actes et de leurs pensées ? Le polisson en lui devait veiller à ne pas trop se laisser aller. Ça pouvait déjà être étonnant qu'un homme spirituel de sa trempe aie des prises matérielles de la sorte, et il a d'ailleurs parfaitement conscience de ses pulsions. Seulement, dans son corps, c'est lui qui fait la loi, pas ses hormones. Il ne les empêche pas de faire leurs effets - comment le pourrait-il de toute façon ? - mais sait aussi garder la tête froide à côté.

Cela lui permettait aussi de mieux profiter d'un moment comme celui-ci, se nourrissant de chaque détail.
Un jeu dont ils ne connaissent pas vraiment les règles... C'est flou. Intriguant. Ça éveillerait l'explorateur endormi à l'intérieur de n'importe qui.

Alors Thadas se décida, et fit de l'audace. Lentement, de nouveau, ce ne furent que quelques malheureux millimètres qui les séparaient. Les agates du bonze ne quittèrent pas les iris du voyageur, en profitant pour détailler un peu plus son œil à l'allure étrange mais qui ne le dérangeait nullement.
Alors qu'à l'évidence ils allaient s'embrasser, à la différence que c'était cette fois Thadas qui faisait l'avance, ce dernier mordilla légèrement la lèvre inférieure de l'autre, une lueur absolument taquine s'étendant sur son faciès depuis déjà un moment. Il rit tranquillement alors qu'à son tour il éloignait son visage de celui de Genzo San, jouant tranquillement du bout des doigts sur ses pommettes. Il avait du mal à résister à la tentation de se sentir comme un adolescent. Mais il a tellement de responsabilités... Il ne s'en plaint pas, d'ailleurs.

- Ça n'a peut-être pas grand-chose à voir mais... Connais-tu le conte de l'Oiseau Chanteur ?

Ohh qu'il aimait entretenir la tension tout en maintenant la conversation - c'était si agréable, aussi, de discuter avec ce non-ijobien. Son pouce et son index enserrèrent délicatement le menton de la diva alors qu'un sourire espiègle et sincère illuminait légèrement ses traits.
C'est qu'il les voulait aussi, ses connaissances. Et comme cet homme le mettait d'humeur de lui partager quelques unes des siennes dans l'amusement le plus total, pourquoi s'en empêcher ?... On n'a rien sans rien...

L'Oiseau Chanteur... ce conte était à la fois beau et triste. Cela parle d'un danseur au pas superbe et d'un oiseau au chant merveilleux. C'est l'un des préférés du Grand Prêtre.
Quand il était enfant, il ne se lassait pas de le lire et de le relire juste avant de dormir, toujours pris par une étrange sensation quand il avait fini. Ou, était-ce une émotion ? Il a du mal à le déterminer maintenant que les ouragans ont un peu tout déblayé du passé.

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Son épiderme s'agita subtilement sous les réactions de Genzo San, soupirant presque d'aise sous ses caresses mais ne libérant toujours pas ses yeux de son onyx étincelant, appréciant de telles réponses de sa part - physiquement comme verbalement. Clairement, même si la lueur dans son iris noir semblait avoir changé, Thadas ne s'attendit pas au coup de léchouille sur sa main et ça le fit doucement pouffer.
Hé bien, le chaton semblait bien plus vorace que ce qu'il avait d'abord laissé entendre quand le bonze était entré dans la pièce... C'était loin, ô bien loin d'être déplaisant.
C'était de fait tout l'inverse.

Uh. C'est bien beau, d'avoir la tête froide, mais pourquoi est-ce qu'il commence à avoir chaud comme ça ? Ce gars... il pariait qu'il était capable de corrompre avec aisance bien des gens. Si le christianisme avait fait son office il y a quelques siècles à Ijoba comme chez de nombreuses autres cultures, Thadas aurait su ce qu'était un diablotin et aurait sans hésiter désigné le voyageur par ce terme.

- Raconte moi...

Ses lèvres accueillirent avec un sourire acéré les siennes, grognant doucement sous le coup.
Qui dirigeait qui déjà ? Enlacé ainsi par son complice de jeu, Thadas eut le sentiment d'être pris entre les griffes du chat, mais est-ce qu'il en a vraiment cure ? Non. Parce qu'entre deux fauves, il lui semblait naturel de trouver un certain pied d'égalité. Lui-même glissa sa main derrière la tête du borgne jusqu'à ce qu'il décide de mettre fin de nouveau à leur geste. Thadas se retint de picorer un dernier bécot, le désir de faire ainsi reluisant pourtant un instant dans ses ambres - le récit commençait déjà à prendre place dans son esprit.

Est-ce qu'il parviendrait à se concentrer sur ce dernier avec un joueur comme Genzo San assis sur ses genoux ?

- Même si je le connaissais, je voudrai t’entendre me le narrer.

Mais quel flatteur, mais quel séducteur.
Soit. C'était lui qui avait initié ce jeu. Voyons s'il est capable de tenir la douce tension qui les relie. C'était en quelque sorte excitant de mettre son sang-froid à l'épreuve de cette façon.
Thadas est un homme sage, et paradoxalement un homme oisif. "L'oisiveté est l'ennemie de l'âme, mauvaise conseillère, mère de tous les vices" ? Si c'est vrai, c'est franchement fourbe que ce soit un tel délice.

Sa main descendit sensuellement sur le bas des côtes du chanteur, comme si elle lui intimait de rester près de lui alors qu'il s'amusa à goûter l'iode de l'artère de son cou du bout de la langue, avant de remonter pour lui souffler le début du conte à son oreille de sa voix profonde et lascive. Ses agates se mirent à miroiter une ambiance mystérieuse alors que le conteur en lui se révélait, chatoyant tranquillement de liberté.

- On dit.... qu'il existait autrefois un grand oiseau aux plumes d'or, de saphir et d'argent.

Ses yeux se plantèrent de nouveau dans ceux de Genzo San et son pouce droit vint se poser sur sa lippe alors que ses paroles se faisaient fluides et traînantes, prononçant avec un plaisir non caché la poésie de ce conte qu'il avait tant de fois visité.

Il faut savoir que les couleurs ne sont jamais choisies au hasard, surtout dans les contes d'Ijoba. L'or représente la bravoure, la bonté, c'est une symbolisation très forte des qualités du lion. Le bleu est à l'évidence celui des cieux, connecté donc de près au panthéon divin. L'argent est quant à lui associé au blanc et donc à la pureté et la noblesse de l'âme.

- Tous les habitants de l'île, humains comme animaux, s'accordaient à dire que son chant était si exquis qu'Orun et Okun, dieux du ciel et de la mer, en oubliaient leurs différends pour faire éclore des myriades d'arc-en-ciels sur son passage ailé. On racontait même qu'il pouvait d'une simple note vibrée éloigner Iku des âmes destinées à quitter cette terre.

Sa main gauche descendit calmement dans le bas du dos du tentateur alors que ses prunelles se teintaient d'un peu de passion - il aime vraiment les histoires. Et c'est encore plus grisant de les partager.

- Il existait à la même époque un jeune humain connu de toutes parts pour ses pas magnifiques. Outre d'avoir le rythme dans la peau, on disait de ses danses qu'elles étaient si enchanteresses que quiconque le joignant dans ses pas pouvait continuer toute la nuit sans jamais s'essouffler, vivant l'euphorie d'une danse semblant presque sans fin.

Son souffle se fit légèrement plus haché, ses yeux à l'éclat si intense se perdant momentanément dans le vague alors qu'il marquait une petite pause, son pouce caressant ingénument les lèvres du brun.
Bon, le "ingénument" est peut-être de trop quand on sait qu'il s'agit de Thadas, mais le doute est permis alors qu'il endosse humblement la cape de conteur.

- Un jour... Le danseur entendit le fameux chant de l'oiseau. Sa nature de saltimbanque ne pouvait qu'irrésistiblement l'attirer vers cette source de musique si merveilleuse à l'oreille. Il s'approcha donc, ses pieds commençant déjà à s'harmoniser avec le reste de son corps virevoltant.

Il attira doucement le menton de Genzo San vers lui de nouveau, son sourire carnassier se teintant d'un peu de tristesse, donnant une expression assez mixte à son visage puisque ses yeux continuaient de briller de l'excitation due à l'amusement.

Même le chat installé sur le lit semblait écouter le Grand Prêtre avec attention.

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