Quand Aiden commente le courage d’Esteban, Ode se contente de hocher la tête. Oui, c’est vrai qu’il est courageux. Il avait tout fait pour sauver la vie d’un inconnu et avait même été prêt à combattre un puma pour ça. Même parmi les siens, Ode en connaît peu qui auraient été prêts à sacrifier leur vie pour un homme venant d’une contrée inconnue et probablement dangereuse.

Pourtant très vite les sourcils d’Ode se froncent. Parquing… privé ? Électrique ? Les russes ? Est-ce que c’est une espèce animal inconnue de chez eux ? En déconstruisant le mot, le chasseur essaie d’en trouver l’origine mais rien ne lui vient. Les russes hein.. qu’est-ce que ça peut bien être ? Esteban ne lui en a pas fait part lorsqu’ils évoquaient l’Amérique.
Heureusement, Aiden répond de lui-même à sa question silencieuse. Un peuple descendant des ours. Avec un caillou gelé en guise de cœur. Voilà une espèce bien étrange, à n’en pas douter. Mais Ode n’a pas le temps de se demander à quoi ils ressemblent car le pire reste encore à venir. Des fusées dans l’espace ? Les codes d’une bombe ? Tout ça ne fait aucun sens pour le garde. Il a beau essayer d’y trouver un sens dans son esprit tortueux, il n’a pas la moindre idée de ce que ça peut bien vouloir dire. Ode grignote sa tourte en réfléchissant. Que peut bien être une fusée ? Et comment ces gens s’en servent-ils pour espionner le monde ? Chez eux, ce sont les gens qui surveillent les gens. Peut-être les fusées sont-elles une appellation pour les espions ? Mais ça ne l’aide en aucun cas à savoir ce que peut bien être une bombe. S’il en faut un code… peut-être une espèce de coffre secret et très précieux ?

« J’avoue que tout ça n’évoque rien pour moi. Ton monde a l’air bien compliqué. »

Ode suppose que le leur doit l’être aussi, de manières qui doivent lui échapper pour lui qui a toujours baigné dedans. Ça ne l’empêche pas de hausser un sourcil quand il apprend qu’Aiden a des pumas chez lui. Il est donc si riche que ça ? … Comment ça, ce sont des chaussures ? Ode a la tête qui tourne et il se frotte les yeux un instant en essayant de récupérer. Il finit sa part de tourte, puis accepte la main d’Aiden.

« Oui, allons-y. On n’a aucune raison de partager avec lui. Si Umpheki voulait qu'il ait sa tourte, c'est lui qui l'aurait eue.»

Voilà bien une chose sur laquelle il ne fera aucun compromis. Si Umpheki leur a donné à eux sa tourte, ce n’est pas pour qu’ils la partagent avec d’autres. Seuls ceux qui entrent dans les bonnes grâces d’Umpheki y ont droit. Ode se relève et il s’époussette.

« J’espère qu’il sera dans de meilleures dispositions. »

Ode veut bien être gentil, mais il y a toujours des abrutis pour essayer d’en profiter. Il n’est pas leur chien de service personnel. Il est garde à la base, et sert la Reine avant toute chose, pas des petits nobles à l’ego surdimensionné. Ode reprend le panier dans ses bras avant de conduire Aiden jusqu’à la salle du trône. Il connaît le chemin par cœur après tout. Et l’homme est bien là, à les attendre. L’humeur du chasseur descend d’un cran en le voyant. Il se force toutefois à être poli et adresse un hochement de tête à l’intention de l’homme :

« Vous souhaitiez nous voir ? »

@Aiden D. Sanders

Le type a l’air déçu, mais honnêtement, ça ne lui fait ni chaud, ni froid. Il y a des choses qui se méritent et la tourte d’Umpheki en fait partie. S’il en voulait, il n’avait qu’à se montrer efficace. Aussi Ode reste de glace face à son dépit. Et encore plus, face à ses insinuations. C’est tout juste s’il se retient de ne pas rouler des yeux. On n’a pas besoin de lui dire pour qu’il reste concentré sur sa tâche. Et il n’a pas besoin de tenir Aiden, ce n’est pas un enfant surexcité. Depuis le début de leur escapade, il s’est en outre montré tout à fait à la hauteur des tâches qu’on leur a donné, et n’a eu de cesse d’aider. Pour Ode, il a fait ses preuves.
Bien sûr, si Aiden venait à se montrer d’une manière totalement opposée et qui ferait défaut à la reine Ayaba, le chasseur interviendrait, mais il n’a aucune raison de penser que ce sera le cas. Et puis, vu la carrure d’Aiden, ils n’ont pas grand-chose à craindre de lui et si leur mission a prouvé une chose, c’est qu’il est plus doué de ses mots que de ses mains.

Enfin, pour l’instant, ils n’ont rien d’autre à faire que de « se montrer ». Rien de bien compliqué comparé à ce qu’ils ont fait jusque là. Rien de… bien… compli… ah. Ou pas. À en juger par l’agitation qui soulève soudainement Aiden, on dirait bien que ça ne va pas être si reposant que ça.
Levant un sourcil perplexe, Ode l’observe alors qu’il s’exclame et papote de choses qui lui passent bien au-dessus de la tête. Oh, il a bien rencontré des gens préoccupés par leur physique, les soins et autres choix vestimentaires mais ce serait mentir que de dire qu’il les comprend bien. Lui se contente de faire le minimum pour être présentable, n’a jamais trop saisi l’intérêt de faire des masques ou autre, ni même de s’habiller d’une manière qui ne soit pas efficace pour ses entraînements ou la chasse. Aussi, quand Aiden se tourne vers lui, l’air suppliant, Ode lance un petit regard perdu autour de lui, dans l’espoir vain que ce ne soit pas à lui qu’il s’adresse. Malheureusement, ils sont seuls à la ronde. Il passe une main dans ses cheveux, un peu mal à l’aise, et répond d’une petite voix :

« Euh.. si tu veux... »

Il est rapidement coupé par Aiden qui continue sur sa lancée, le laissant dans son embarras et sa perplexité. Le chasseur finit par poser une main sur son épaule, dans l’espoir d’arrêter sa diarrhée verbale.

« Aiden, du calme. Je veux bien t’aider. »

Mais comment ? Ode réfléchit à haute voix :

« Mais je n’ai pas vraiment de vêtements pour un banquet, je suis généralement de garde durant ces occasions… »

Se disant, Ode entraîne son compagnon à sa suite, vers les quartiers des soldats, où lui-même garde quelques affaires. Il aurait sans doute pu trouver quelque chose de plus parlant chez lui, un accoutrement que sa mère lui aurait confié avant son départ par exemple, mais sa demeure est trop loin du palais pour qu’il puisse faire l’aller-retour avant le début du banquet. En plus de ça, il ne peut pas emmener Aiden avec lui hors du palais, et il est sensé faire présence ici. Ça ne leur laisse que peu d’options.
Est-ce qu’Aiden rentrera seulement dans ses vêtements ? Ils n’ont pas exactement la même carrure…

« On peut toujours essayer de trouver quelqu’un ici qui sera prêt à te prêter quelque chose, si jamais. »

Ils ne croisent que quelques autres gardes en chemin, auxquels Ode adresse un signe de la tête. Il voit bien à leurs regards qu’ils ne sont pas extrêmement ravis qu’un des étrangers traînent près de leur quartier, mais ça n’est pas vraiment son problème. Son problème, pour l’instant, c’est de trouver Aiden de quoi s’habiller. Il conduit d’ailleurs ce dernier jusqu’au box où il garde ses affaires, et en sort trois tuniques : une longue rouge en coton avec des dorures qui sera probablement trop longue pour Aiden se dit-il, une en lin beige qu’il met lui-même lorsque le temps se couvre un peu qui n’est décidément pas la chose la plus visuellement impressionnante, et enfin une bleue ornée d’une belle fourrure de loup gris qu’il a lui-même chassé et qu’il avait l’intention de ramener chez lui avant d’oublier. Ode croise les bras :

« Celle avec la fourrure est celle qui serait la plus appropriée pour le banquet, mais tu risques d’avoir chaud comme ça... »

Dit l’homme qui a toujours chaud, et qui se balade à moitié à poil.

@Aiden D. Sanders

Toutes ces histoires de vêtements, c'est quelque chose qui lui passe bien au dessus de la tête. Il ne voit pas bien ce qui cloche avec le haut que porte actuellement Aiden. Bon, ce n'est pas exactement la tenue adaptée pour un banquet, mais personne ne lui en voudra. Tout le monde ici sait que les étrangers n'ont pas emmené avec eux des tonnes et des tonnes d'affaires, et qu'entre les deux morceaux de l'île, ils ont dû voyager léger. D'autre part, et Ode se garde bien de le dire à Aiden, ce n'est pas être bien habillé qui empêchera les villageois de le juger. Ils ont d'ors et déjà une idée bien implantée en tête de qui sont les voyageurs et cette idée n'est pas forcément fabuleuse. Il faudra plus qu'une tenue royale pour les faire changer d'avis sur la question, il en a bien peur.

De tout ça, cependant, Ode ne dit rien. Parce que cette affaire de vêtements a l'air importante pour Aiden, et qui est-il pour lui dire le contraire ? Peut-être effectivement que c'est plus important qu'il ne le croit, et dans ce cas, il se doit de l'aider. Ne serait-ce que pour la sérénité d'esprit de son compagnon. Aussi lorsque celui-ci lui demande s'il peut toucher la fourrure de la tunique, Ode se contente de hocher la tête.
Evidemment.
S'il compte la porter, il va bien falloir qu'il la touche.. De même, à sa réaction, Ode ne peut s'empêcher de hausser un sourcil. A quoi s'attendait-il ? Ode prend soin des fourrures quand il tue un animal. Tout simplement pour lui faire honneur. Il ne tue jamais que pour celle-ci, bien sûr, en l'occurrence, le loup était un met demandé par un riche marchand qui voulait régaler les palais de ses invités, mais Ode s'en voudrait qu'une si belle fourrure parte à l'abandon. Ne serait-ce que par respect pour le loup.

« Vas-y, enfile-la. Il faut qu'on voit si elle te va. »

Ode s'éloigne de quelques pas et il croise les bras, laissant le temps à son compagnon de se changer. Lorsque c'est chose faite, c'est sans surprise que la tunique est un peu grande pour lui. Mais au delà de ça, elle lui va plutôt bien. Le couturier a fait des merveilles avec elle. La fourrure met vraiment en valeur le tout. Si bien que lorsqu'Aiden lui fait part des modifications qu'il voudrait faire dessus, le chasseur ne peut s'empêcher de tressaillir en lui lançant un regard inquiet. Est-ce qu'il s'y connait en couture ? Est-ce que ça ne va pas tourner au drame ?
Pourtant, Ode veut l'aider. Et une petite voix dans sa tête lui dit que de toute façon, il n'aura pas vraiment l'occasion de porter la tunique, avec ou sans manches. Parce qu'il est du genre à ne pas en mettre. Les manches le gênent toujours dans ses mouvements. Quand mettra-t-il la tunique ? Pour un dîner ? Un repas ? Les seules personnes avec qui il partage ce genre de moments le connaissent avec des vêtements modestes et il n'a pas besoin de les impressionner avec une fourrure. Alors quoi ? Un banquet ? Comme celui-là ? Depuis qu'il est garde, Ode a toujours été de travail. Non, vraiment, même en y réfléchissant, rares seront les occasions où il pourra porter la tunique.
Il soupire:

« Très bien. Fais en ce que tu veux. »

Il lui lance toutefois un regard sérieux, gardant les bras croisés :

« Mais tâche de ne pas la rendre importable. J'en aurais peut-être besoin quand les jours se feront plus froids. »

A qui essaie-t-il de faire croire ça ? Il a le sang chaud. Le froid ne l'atteint pas. Et quand bien même c'était le cas, il se voit mal enfiler une tunique à fourrure pour sa vie de tous les jours. Elle l'encombrerait plus qu'autre chose durant ses entraînements. Disons que c'est plus pour le principe de ne pas voir une si jolie fourrure complètement foutue. Il lève un sourcil, posant finalement la question qui habitait le creux de ses lèvres :

« Tu t'y connais en couture ? »

@Aiden D. Sanders

La couture est un art qui lui est pour le moins inconnu. Coudre, recoudre, découper, avoir le sens de l’habillement et connaître les tailles et les patrons… autant de connaissances qu’Ode s’est toujours contenté de regarder de loin. Il a toujours préféré les vêtements modestes à luxurieux et s’il peut apprécier une belle tenue sur un individu, sa curiosité ne l’a pas mené plus loin. Maintenant qu’il se retrouve coincé avec Aiden, il le regrette un peu. De toute évidence, avoir des bases en couture aurait pu leur être utile en ce moment-même… Surtout qu’à en juger par l’air sur le visage d’Aiden, il n’a pas l’air non plus d’être fin connaisseur en la matière.

La méfiance d’Ode va grandissant en voyant toutes les expressions qui passent soudainement dans le regard de son camarade. Qu’est-ce qu’il peut bien avoir en tête ? Il n’a pas du tout l’air de savoir ce qu’il fait. C’est inquiétant, non ? C’est probablement inquiétant. Pour être honnête, ça sent même la catastrophe à dix kilomètres, et Ode est assez doué quand il s’agit de voir venir les catastrophes.
Heureusement, Aiden semble revenir en arrière, sur des bases qui leur sont plus familières, et le garde se détend légèrement. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais son compagnon a moins l’air de débiner tout ce qui lui passe par la tête, et ça ne peut être qu’une avancée du bon côté. Alors il s’avance et écoute, en observant les points de couture qu’Aiden lui décrit.

Ça a l’air de faire plutôt sens, et ça a le mérite de ne pas être trop compliqué. Ode retient un soupire de soulagement. Très bien, s’il ne s’agit que de ça, ça devrait bien se passer. Il pose son regard rubis sur son acolyte en écoutant ses propos. Quelque chose de pointu ? Qui coupe ? Ode sort sa dague de son fourreau et l’acier brille à la lumière des flambeaux.

« Ça devrait faire l’affaire. »

Ce n’est de toute façon pas possible d’avoir quelque chose qui coupe davantage. Quant à plus pointu, ils devraient trouver un couturier pour obtenir une aiguille et Ode n’a clairement pas la patience ni le temps de passer le palais au peigne fin pour en trouver un. La lame devra faire l’affaire. Le problème est qu’il n’en a qu’une. Qui plus est, mettre une arme dans les mains d’Aiden n’est pas une idée qui enchante vraiment le chasseur. D’une, ce ne serait probablement pas approuvé par la Reine d’armer les étrangers, même brièvement, de deux, il est presque sûr qu’Aiden réussirait à se blesser s’il lui en laissait l’occasion.
Aussi, il saisit doucement la tunique entre ses mains :

« Je vais m’en occuper. Ce sera plus simple. »

Il a bien compris le concept, ça ne devrait pas lui poser de problème. S’asseyant à même le sol, Ode examine les coutures avant, d’une main habile et experte, de commencer à les défaire.

« Dis-moi plutôt ce qu’est un stripteaser. »

Pour avoir des manches amovibles, ce doit être quelqu’un qui a besoin de sa mobilité. Un combattant peut-être ? Ou bien un chasseur, comme lui ? Pourtant d’après la vision des choses qu’Esteban lui a donné, ce métier n’a plus vraiment son utilité chez eux. Alors qu’est-ce que ça peut bien être ? Il n’en a pas la moindre idée. Peut-être les stripteasers doivent-ils retirer leurs manches à cause de la chaleur ? Peut-être un métier en forge dans ce cas-là ?
Le mystère est total.
Ça a le mérite de lui occuper l’esprit alors que ses mains s’activent à la tâche. Bientôt les deux manches sont retirées sans dégâts et Ode remet la tunique sur son endroit avant de la tendre à son compagnon.

« Tiens. Essaie-la et dis-moi si elle te convient mieux. »

Puis il fourre les manches avec le reste de ses affaires, réalisant avec une part d’exaspération qu’il va probablement les y oublier jusqu’à un jour incertain où il les retrouvera par hasard, sans se souvenir du pourquoi ni du comment.

@Aiden D. Sanders