Aisiki, c'est vraiment le village de ton cœur. Tu t'en rends compte à chaque déplacement que tu effectues. Tu y es tellement habitué, ainsi qu'à ses environs, qu'une fois que tu en sors, ça te fiche toujours un sentiment inhabituel. Pas forcément déplaisant, ceci dit. C'est peut-être ton côté téméraire qui fait que tu peux te permettre de sortir des sentiers battus. Tu n'es pas effrayé par l'inconnu, tu as une nature curieuse assez insatiable. Tu te souviens de la première fois où tu t'es rendu à Oluh, c'était tellement différent de ce que tu avais connu. Aujourd'hui encore, tu t'attardes sur ses attraits, sur toute cette pierre, là. C'est sûr que c'est un sacré changement de décor. D'autant plus lorsque tu sors du cadre du travail, tu as le temps de promener tes mirettes partout.

Qu'est-ce que tu aurais payé cher pour ne pas quitter ton lit aux aurores, par contre. C'était sans compter la voix criarde de grand-mère Nana pour te mettre sur pied. Tu avais oublié que tu lui avais promis d'aller faire quelques emplettes textiles pour elle. Espèce de paresseux ! Qu'elle n'arrêtait pas de scander. Rien que d'y penser, ça te file la migraine. Mais maintenant que ta sacoche est pleine, que ta mission est remplie, ton estomac aussi, te voilà qui traîne en longueur. Tu serais bien resté davantage, mais le trajet ne risque pas de se faire tout seul.

Étant donné que c'est sur ton chemin, pourquoi ne pas faire un petit détour au sanctuaire d'Iku ? Tu n'as pas souvent l'occasion d'y mettre les pieds. Alors autant en profiter.

Tu chemines, tu chemines, tu te laisses porter par les bruissements de la forêt. Par un chemin sinueux que tu as déjà emprunté plusieurs fois. Ton esprit vagabonde, une fois n'est pas coutume, tu as la tête dans les nuages. Tes jambes s'articulent presque toutes seules, tes paumes prennent contact avec l'écorce de certains arbres. Alors forcément, quand tu vas finir par entendre d'autres craquements que les tiens, tu es un peu surpris. Ton visage se relève, alors que tu observes les alentours. Tu repères bien quelqu'un, qui se distingue dans ton champ de vision. Est-elle perdue ? En tout cas, ça y ressemble. Tu vas continuer d'avancer, sans pour autant trop oser t'approcher. Des fois que tu te trompes.

⠀⠀–⠀⠀Tu es perdue ? Demandes-tu avec neutralité.

Tu remarques très rapidement que son style vestimentaire est... Assez incongru. Tu sais d'emblée que tu n'as pas affaire à une ijọbienne. Tu n'es quand même pas un sot. Qu'est-ce que ça change, de toute façon ? Tu ne vas pas poursuivre ta route comme-ci de rien n'était, ce n'est clairement pas ton genre. Tu préfères proposer ton aide, juste au cas où.

Pour le moment, tu ne bouges pas de ton emplacement. Tu demeures immobile, à moitié en appui sur une vieille souche. Sa voix, son intention, son attitude, tout te parait sincère de prime abord. Dépourvu de méfiance ou d'agressivité. Ça va te permettre de te détendre un peu, de décrisper tes muscles. Bien que tu restes tout de même vigilant. Ça, c'est plus fort que toi. Elle va même te décrocher un sourire candide, auquel tu ne t'attendais clairement pas. Tes prunelles azurées se détournent alors de leur cible initiale, pour scruter les environs. Si ce n'est le léger sifflement du vent entre les pins et les quelques gazouillements d'oiseaux, tout est calme.

⠀⠀–⠀⠀Non, je suis navré. Tu accompagnes tes mots d'un signe de la tête. C'est la première fois que je croise un étranger.

Que ce soit sur le chemin emprunté jusqu'à présent ou même antérieurement. Ce n'est pas le genre de détail qui pourrait t'échapper de toute façon. En plus, tu ne viens que très rarement ici, alors tu doutes que tes souvenirs soient d'une quelconque utilité à cette personne.

⠀⠀–⠀⠀Où est-ce que tu te rendais ? Tu hausses les sourcils. Je peux t'aider à chercher sur le chemin.

Et surtout être certain qu'elle ne s'égare pas dans cette forêt, tu te sentirais coupable si quelque chose lui arrivait alors que tu peux lui venir en aide. Même pour les plus initiés, ce n'est pas forcément évident de se débrouiller seul dans un endroit hostile. Ça ne paye pas de mine comme ça, mais une fois la nuit tombée, l'ambiance n'est plus du tout la même.

Les lèvres pincées, tu sembles délibérer avec toi-même.

Tu ressens presque la tristesse qui émane de cette femme, malgré la distance qui vous sépare. Son mari ? S'est-il égaré sur l'île par inadvertance ? Depuis combien de temps est-elle à sa recherche ? L'environnement peut être hostile, mais avec un peu de chance, il peut réapparaître —ou être retrouvé, vivant. Tu es un peu étonné que personne d'autre ne lui porte assistance. Il ne faut pas abandonner quelqu'un de perdu à son sort, non ? Tu ne ferais pas ça pour un ijọbien.

⠀⠀–⠀⠀Je vais t'aider.

Tu brises enfin le silence avec un ton posé.

⠀⠀–⠀⠀Je me rendais au sanctuaire de la déesse Iku, il est un peu plus haut, par-là.

Tu pointes la direction en question du doigt avant —d'enfin, commencer à te mouvoir. C'est important pour toi, d'avoir l'opportunité d'aller te recueillir auprès des dieux. Tu n'as pas souvent l'opportunité de le faire.

⠀⠀–⠀⠀Ça fait combien de temps que tu es à sa recherche ? Où est-ce qu'il s'est égaré ? Dans cette forêt ?

Naturellement, tu poses quelques questions en toute transparence, sans un minimum d'information cela risque de rendre la chose un peu plus compliquée. Tu peux ratisser tout le périmètre que tu veux, ça peut ne servir à "rien" selon le contexte. Après, rien n'empêche de trouver de potentielles traces d'un récent passage. Tu ne connais pas la situation, la seule chose qui te percute pour le moment, c'est son chagrin.