Ok, donc lui s’occupait déjà du fruit et du feu. Ça m’arrangeait parce que je ne savais vraiment pas faire pour le coup. Puis le feu agresse ma peau délicate. Je ne pouvais pas risquer de dessécher ma peau pour un peu de crème solaire.

- Merci, répondis-je à Thudrius en attrapant le bol en bois.

Effectivement, c’était moins lourd, plus pratique à transporter, et surtout, plus joli. J’allais pouvoir me mettre à la tache d’extraire l’huile d’amande par pression de l’amande. L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle ne nécessité aucun matériel à part de quoi presser les amandes, et des amandes.

J’ajoutais maintenant une poignés d’amandes de la réserve de Thudrius, et les jetais délicatement dans le bol. J’attrapais l’espèce de mortier qui servait à écraser, en entrepris dans les premières secondes d’écraser grossièrement et sans effort les amandes. Le but étant d’en faire des morceaux plus petits et plus facile à broyer par la suite.

- La poudre de coquillage ? Je n’y aurais jamais pensé ! Tu penses que ça fera l’affaire ?

Je lui faisais confiance sur ce coup, car moi, honnêtement, je me passais toujours de cette étape.

J’écrasais à présent les amandes avec le mortier, en effectuant de plus grosses pressions, et me servant du poids de mon corps. Au bout de quelques minutes, la texture ressemblait à du vomi, puis à une espèce de pate. Je n’étais pas loin. L’effort était physique. Mais j’allais y arriver, moi, et mon corps d’Appolon.

Je pris une petite pause pendant laquelle j’essuyais mon front qui perlait de sueur, et enlevais l’excédent d’amandes inutilisables, le réservant de côté. Il ne restait plus que l’espèce de pate. C’est là où l’effort allait être colossale.

- C’est parti !

Et je martelais rapidement la pate avec le mortier, pendant quelques longues secondes, jusqu’à ce que la pâte se ramollisse, puis se liquéfie. Elle avait la texture d’une huile assez épaisse, presque comme du miel.  

- Aurais-tu de quoi filtrer, professeur Thudrius ?

Je n’avais plus qu’à filtrer, et l’huile d’amande était prête. Maman, regarde, j’ai réussi quelque chose !

Je saisissais l’accessoire prêté par professeur Thudrius. Je pense que cela pouvait faire l’affaire. Déjà, parce que Thudrius l’avait dit, mais aussi parce que si je n’arrivais pas à filtrer correctement, je pouvais me servir du mortier pour appuyer dessus et filtrer de force. Et c’est ce que je fis.

J’avais enroulé le récipient avec mon bras gauche et je le tenais fermement entre ma main et mes côtes. De l’autre main, je pressais avec toute la force dont Appolon m’avait fait grâce la substance pour recueillir dans un autre récipient en dessous, la fameuse huile d’amande.

Pas peu fier, je montrais le fruit de mes efforts à Thudrius.

- Et voilà ! Je pense que tu peux le rajouter à la préparation.

J’observais maintenant attentivement les gestes de Thudrius, me mettant à sa disposition si jamais il avait besoin de moi pour une tache.

- Si tu veux, on pourra la tester sur moi, le rassurais-je. J’ai pas de rendez-vous demain, alors si je deviens tout rouge ou si ça assèche ma peau, c’est pas TROP grave.

J’insistais sur le « trop ». Certes, je n’avais pas de rendez-vous, encore moins un rendez-vous galant, mais ne sait-on jamais, je pouvais très bien rencontrer la futur Miss Sanders demain, au croisement d’un couloir du palais.

D’après Thudrius, le baume semblait reussi. Cette crème solaire était l’alliance des connaissances Ijobiennes et des connaissances de mon incroyable personne. Ce qu’on avait créé ne pouvait être dangereux.

Aussi je profitais que Thudrius expose sa main au soleil pour me tartiner le visage de crème, en insistant bien sur la zone autour des yeux. La peau était particulièrement sensible à cet endroit, et je jugeais toujours de l’agressivité d’un produit sur la peau en l’appliquant directement sous les yeux ( disclaimer : ne faites pas ça chez vous irl, c’est stupide et dangereux).

Je ne sentais aucune sensation désagréable. J’avais l’impression qu’une fine pellicule s’était posée sur ma peau, mais la gardait hydratée, sans rendre la peau grasse ou huileuse pour autant.

J’appliquais encore un peu de protection solaire sur le dessus de ma main aussi et je la fis luire au soleil. En apparence, la crème rendait la peau légèrement brillante, mais sans donner un aspect gras ou sale. En plus, la crème sentait bon grâce à l’huile de coco et à l’argousier.

C’était une réussite. Ça ne piquait pas.

- Je crois qu’on a réussi, professeur Thudrius ! m’exclamais-je avec enthousiasme.

Satisfait, je me rasseyais, en chantonnant à tue-tête un air de Train.

J’étais tellement soulagé de notre réussite que j’avais l’impression d’y avoir investi toute l’énergie d’une journée. Et finalement, la préparation de la crème solaire nous avait pris du temps, puisque le soleil semblait déjà piquer du nez.

Nous n’avions plus le temps pour des travaux pratiques (mais en même temps, il valait mieux rester sur une réussite), mais on avait au moins encore le temps de papoter. J’avais encore le temps de lui poser quelques questions.

Je connaissais déjà quelques trucs sur leur civilisation. Genre pourquoi c’est une Reine, la capitale, les grandes villes et quelques p’tits trucs sur leurs monnaies ou leurs Dieux (parmi nous, les américains, il y avait quelques personnes avec une soif terrible de connaissances, et à force de les entendre discuter, j’avais retenu des trucs).

Néanmoins, j’étais moins familier avec leur système de formation et du travail. Beaucoup de nos travails semblaient proches, mais comment se formaient-ils sans université et sans internet ?

- En fait j’ai encore une ou deux petites question, professeur Thudrius.

M’asseyant correctement sur l’un des quelques sièges de la salle, je déballais mes questions :

- Vous avez donc choisi d’être guérisseur, et vous prévoyez d’être sage. J’ai bien compris que « sage », c’était une sorte de titre honorifique. Mais comment avez-vous choisi d’être guérisseur ? Il y a des écoles de guérisseur ? Et comment transmettez-vous vos connaissances sans internet ? Vous avez des manuels ? Ou alors vous écrivez tout sur des parchemins ?