Soulevant furtivement le bas de son heaume de carton à l’abri du regard de son acolyte, il but une gorgée d’un de ses cocktails de bière, bien tiède et amer comme il fallait. Il grimaça. Damn, il en avait fait une ou deux de soirées sur ce rafiot. Une soirée karaoké et un buffet thématique (sur les tacos, mais quel thème, franchement) Mais ces deux soirées-là, en dépit de toute la sociabilité du blondinet, avaient été d’un chiant inégalable. Mais ce bal, là, et cette fille qui l’accompagnait dans tous ses délires, ça c’était d’enfer ! Ça lui faisait tellement de bien de reprendre ses bonnes vieilles habitudes et de prendre du bon temps. Y a pas à dire, ça faisait du bien de revenir dans la partie.

*I'm back, bitches* pensa-t-il avec la voix de Sylvester Stallone.  

Bon, le délai de carence durant lequel il avait été privé d’une soirée “décente” (et donc indécente) n’excèdait pas trois semaines. Mais pour Chris, trois semaines, c’était déjà bien trop ! Ça méritait bien qu’on remplisse une piscine d’alcool, tient !
Mais déjà, un premier obstacle se dressait devant eux ! Il n’était clairement pas contre les marques “d’affection” en public, mais là, il fallait avouer que ça tombait plutôt mal. Il eut un vieux relent gastrique, et songea pendant une fraction de seconde que vomir sur ces deux jeunots leur apprendrait peut-être à se tenir devant les voies d’entrées du Wreck. Puis il se ravisa à temps. Il fallait rester civilisé, tout de même. Ces deux tourtereaux ne faisaient que profiter de la vie. Et puis, son acolyte tout en couleur semblait avoir trouvé une alternative.

-Je vous suis, Princesse !   répondit-il avec entrain en levant son cocktail de bière de la main droite, les autres bouteilles enserrées entre son bras gauche et son plastron cartonné.

Avec les musiques des années 80 en fond, Chris se fit la réflexion qu’ils avaient tous deux l’air de héros tout droit sortis d’un vieux dessin animé. Il s’y voyait trop : Cardman, le héros des soirées, rencontrant la princesse alien couturière sur un fond de vieux synthé. Ensemble, ils combattaient sans relâche le terrible démon Crook, dont le but était de faire disparaître le fun de la surface de la planète. Et bien sûr, à la fin, Cardman finissait par se taper la princesse. Mais seulement après une bonne centaine d’épisodes de tension romantique sans véritables conséquences. Sinon, c’était pas un vrai dessin animé des années 80.

Elle s’engage sur la voie sacrée de l’échelle, puis se ravisa. Avait-elle peur des hauteurs ? Aucun problème, Cardman serait là pour la guider ! Mais ils allaient avoir un petit problème technique, cependant. Cinq bouteilles, c’était déjà compliqué avec deux bras et deux grammes dans le sang, alors sur une échelle, ça promettait d’être grandiose. Il prit donc un moment pour déposer les bouteilles à ses pieds, titubant un peu. Il prit un cocktail de bière encore à moitié rempli, le finit d’une traite et ponctua le tout du plus raffiné des rots qu’il lui avait été donné de faire. Nouveau relent gastrique. Oups ! Héhé ! Il se tourna vers son acolyte, lui désignant les bouteilles.

-Navré, chère partednaire, mais on va devoir en laisser derrière. Buvez dont-s’en  une avant de me suivre ! Que leur sagcrifice ne soit pas vain.  

De son côté, il saisit le cocktail Molotov et se le calla dans son dos, dans son pantalon de scotch. Puis, après avoir rajusté son heaume de carton, il entama sa montée. Il monta une première marche, puis une deuxième… et se vianda comme un veau. Ok, ok, il allait recommencer la procédure, mais avec une chouillette plus de précaution. Cardman n’en était qu’à son premier épisode, ça serait dommage qu’il se brise déjà la nuque.
Après quelques dérapages peu (pas du tout) contrôlés, et la plainte douloureuse de ses poils blonds, il finit par arriver en haut de l’échelle.

Maintenant, il fallait ouvrir le cockpit du bateau ! Les quelques neurones vaseux du blond s’activèrent tant bien que mal.

-Mmmmmmmm,   commença-t-il sur le ton d’un Sherlock Holmes en état d’ébriété, alors que la princesse terminait son ascension, est-ce que tu aurais une épingle à cheveux dans ta magnifique tignnnasse rose ? J’ai vu qu’ils fffaisaient ça dans les films, ça doit pas être bien compliqué. Ou alors on balance tout simplement un truc à travers la vitre ? Ce truc m’a l’air pas mal pour faire le taff.  

Il se dirigea vers un extincteur rouillé accroché sur un mur. Est-ce que c’était normal, un extincteur sur le pont d’un Wreck ? Un extincteur rouillé ?
Ses pauvres neurones s’agitèrent. Ah… Mais il était con en fait !

-Attends !  

Il tituba vers la porte, toujours avec son air d’enquêteur avec un coup dans le nez. Cette fois, l’enquêteur semblait avoir trouvé la solution d’une énigme, et il était très content de lui, visiblement.

-D’abord, vérifier si c’est ouv-vert ! Eh oui ! Alimentaire, ma chère Watson ! Faudrait pas qu’on casse des trucs comme des cons alors que ça sert à rien !  

Il se tapota sa tempe de son index en lâchant un “Eh !” pour signifier toute l’étendu de son intelligence, puis il mit sa main sur la poignée.
Et effectivement, avec un grincement caractéristique d’une bonne partie des portes de Mademoiselle Wreck, celle-ci s’ouvrit docilement.

-Ap-près vous ma chère ! Peut-être trouverons nous des informations sur l’el do… l’el alcorado dans ce cockpit ! Ou peut-être pas d’ailleurs, on peut y aller à l-l’instiiinct !  

De toute façon, c'est pas comme s'ils allaient trouver des plans d'une distillerie d'alcool dans un cockpit, si ?