"C'est parfait !"

Δ Un petit pas pour la Faction, un grand pas pour les Ijobiens

- Le compte y est. C’est bon pour vous ?

Un simple hochement de tête de la part du gérant suffit à comprendre la réponse. La porte claque lourdement derrière moi. Personne à part moi pour l’instant n’est au courant pour cette pièce, ce qu’il s’y trame à l’intérieur. Personne ne le sera, pour le moment.

La pièce est dans un état lamentable. L’air humide sans le moisie, des toiles d’araignée jonchent les murs, et des flaques de couleurs marrons se répandent sur le sol. Une légère mousse de moisissure fait office de moquette.  Je souris.

- C’est parfait.

Je sens que la journée sera longue. Pour le moment, je suis seule, mais bientôt, nous serons des dizaines, puis des centaines. Mon premier travail, en tant que fondatrice de la Faction, est de fournir une salle correcte à tous mes futurs collaborateurs. Pour l’instant, je ne suis que le silence, mais bientôt, nous serons le murmure. Car mon seul et unique but est de faire monter sur le trône d’Ijoba ma protégée, unique et légitime reine d’Ijoba : Medeïa.

J’attache mes cheveux en un chignon négligé, et commence à imaginer comment aménager la pièce. Tout d’abord, un grand ménage s’impose, et ensuite, je dois rénover la pièce. Récurer le sol et les murs ne sera pas suffisant. Je constate néanmoins la présence de bougeoirs muraux. Ils sont vides, mais je dois pouvoir en trouver facilement, même à un tel moment de la journée. Je crois qu'au fond de la salle se trouve une cheminé, en bon état.

J’ouvre la porte pour sortir. Je contemple dans l’obscurité la pièce dans son ensemble. C’est l’endroit parfait pour la Faction. Le berceau de notre mouvement. Les récents évènements ne me laissent pas le choix. Je dois agir pour le bien des Ijobiens, puisque la « Reine » Ayaba ne semble pas comprendre la gravité de la situation. Pour Medeïa, pour Ijoba.  

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"C'est parfait !"

Δ Un petit pas pour la faction, un grand pas pour les Ijobiens

J’ouvre à nouveau la trappe au fond de la taverne. Personne n’est là, pas même le gérant. Avant de repartir chez lui, il m’a gracieusement légué un double des clefs. Tant mieux, j’ai quelques petites heures avant l’ouverture de la taverne. Je ne peux certainement pas tout finir d’un coup, mais c’est pas grave, si je ne commence pas, personne ne le fera, et personne ne sauvera tous ces gens.

Je descends les marches, et déverrouille la porte de l’extérieur. Il faudra que je trouve quelqu’un pour surveiller cet endroit en permanence. Mais plus tard. Pas maintenant. Il fait sombre, et je ne descends qu’à la lumière de la bougie achetée quelques minutes auparavant. Dans l’autre, je porte un seau vide et divers accessoires pour nettoyer ce capharnaüm.

Je fais le tour de la salle, qui est plutôt grande, en tâtant les murs pour y poser les bougies, les allumer, et continuer mon chemin. Ma main passe sur quelque chose de gluant, je grimace en secouant ma main. Un fois la salle éclairée, je constate la présence d’une cheminé ainsi que d’une source d’eau. Cet endroit devait être une sorte de cuisine auparavant. Voilà qui m’éviterait de remonter les marches pour aller chercher de l’eau.
Je remplis le seau, et un morceau de tissu à la main, je commence à récurer le plan de cuisine, ainsi que la cheminée. Il fait assez frais dans la salle, une cheminée en état de marche ne serait pas de refus. Et finalement, le temps passa en un clin d’œil. A peine ai-je eu le temps de récurer la cheminé que j’entends des pas au-dessus de ma tête. Le gérant à du arriver, la taverne n’allait pas tarder à ouvrir.

Je suis un peu déçue du travail effectué aujourd’hui, mais ce n’est pas grave, j’y retournerai plus tard dans la soirée, lorsque tous les chasseurs du coin seront trop éméchés pour comprendre ce qu’il se passe autour d’eux. Avant de partir, je me dirige vers la tache gluante de tout à l’heure et constate qu’il s’agit d’une sorte de moisissure. Ce truc avait incrusté le mur, il fallait surement racler tout ça.

En remontant et en fermant la trappe, je constate qu’en journée, cette dernière est parfaitement visible. Je fais un signe de la tête au gérant en lui disant :

- Ça serait bien de mettre un tapis par-dessus ou quelque chose, avant ce soir.

Puis sans attendre de réponse, et sachant pertinemment que mon vœu serait exhaussé au vu de la somme versée pour cette salle dont personne ne voulait, je quitte la taverne, prête à attaquer ma journée normalement, telle l’institutrice que je suis.

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"C'est parfait !"

Δ Un petit pas pour la faction, un grand pas pour les Ijobiens

Je claque ma langue contre mon palais une nouvelle fois. Je ne suis pas concentrée sur ce que je fais, je bafouille, utilise des mots à la place des autres. Non, je ne suis pas concentrée aujourd’hui, c’est certain. Je n’ai que cette idée de tapis en tête. Le gérant a plutôt intérêt à en avoir trouvé un, avant ce soir. Car si je rentre, et que la trappe est à découvert… Je ne pense pas garder ma patiente, légendaire ou non, très longtemps.

Je ferme les yeux un instant. Mes élèves sont occupés à écrire quelque chose que je leur ai donné à faire, je ne sais plus trop quoi. J’imagine la pièce. Lugubre, sale, humide. Maintenant, j’imagine que les murs ne dégoulinent plus de ce liquide moisi nauséabond. J’imagine un sol qui ne grouille pas d’insecte. J’imagine les torches allumées. J’imagine la cheminée propre, chaleureuse. J’imagine des tables, des bancs.

Je soupire bruyamment. J’ouvre les yeux : j’ai beaucoup de boulot, c’est certain. Mes élèves ont levé leur nez de leur bureau. Certains ont la bouche ouverte, les yeux écarquillées. D’autres murmurent, se demandant si je vais bien. Je regarde par l’ouverture qui fait office de fenêtre, le ciel est teinté en rouge maintenant. Je claque ma langue contre mon palais, une fois de plus. Je m’étais assoupi.

Je me lève, rouge de honte. Jamais de toute ma carrière d’enseignante je m’étais permise un tel écart. Devant mes protégés qui plus est. Je leur souris, et comme pour répondre à une question imaginaire, je leurs réponds :

- Je priais les Dieux, pour qu’ils vous protègent.

Leurs visages s’illuminent. Je me félicite dans ma tête. Le ménage, ça épuise. Je sais que m’occuper de la Faction ne sera pas chose facile, et que le rôle de fondateur est lourd à porter. Mais qu’est-ce que je ne ferai pas pour ces enfants ?

Je me dirige vers la porte et annonce la fin de la classe. Les enfants partent en courant, et pour une fois, je ne reste pas dans ma salle après le cours. Non. Je me hâte presque aussi rapidement qu’eux, pour rejoindre la taverne. Je devais terminer le nettoyage complet de la salle, avant demain.

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"C'est parfait !"

Δ Un petit pas pour la faction, un grand pas pour les Ijobiens

Je soupire en tenant dans mes mains la même boisson qu’il y a une heure. J’aurai dû y penser. Les pochtrons du coin viennent s’abreuver tôt, pour mieux rentrer chez eux au matin en titubant. Je regarde fixement le gérant de la taverne servir ces demeurés. De temps en temps, je croise son regard, et je devine son épuisement. Faire la même chose, tous les jours, avec les mêmes personnes. Son travail consiste surtout à écouter les plaintes et les joies de chasseurs ivres. Je le plains.

Je soupire de nouveau. Je me demande sérieusement quand est-ce que tous ces gens seront assez alcoolisé pour que je puisse regagner la pièce secrète. L’air peu commode, je fixe un chasseur qui vient s’asseoir à côté de moi. L’odeur et la vision d’horreur me font lever les yeux au plafond. C’est pas possible d’être aussi minable à ce point. Très rapidement, le gérant vient me glisser un mot à l’oreille. « Ecoute ma jolie, tu fais fuir mes clients avec ton air pas content… Va donc t’asseoir au fond de la salle. »

Je grogne en me levant et constate, en m’approchant au fond de la salle, qu’un tapis recouvrait la trappe. Un sourire se dessine enfin sur mon visage, et alors que je me retourne vers le gérant, celui-ci me fait un clin d’œil avant de retourner s’occuper de ses affaires.

Je m’apprête à m’asseoir à la table, lorsque j’aperçois un parfait inconnu, qui n’était pas là quelques secondes auparavant, assis, là où je comptais justement poser mes fesses. Je soupire une fois de plus. Encore un chasseur ivre ? C’est bien ma veine. Il me sourit et m’invite à m’asseoir. Cet homme a une carrure imposante, et je ne l’avais pourtant pas remarqué. Un type discret surement.

- Je ne suis pas intéressée, quoi que tu veuilles me proposer mon vieux. Alors retourne picoler au fond de…

Je m’interromps net lorsqu’avec son index, il pointe le sol. Je m’arrête de respirer un court instant. Comment ? Pourquoi ? Tellement de question viennent me percuter la tête à cet instant. Cet homme, je ne sais pas qui il est, mais il est au courant. J’écarquille les yeux, pleine de question, mais l’homme imposant me répond doucement :« Je veux en être. Propose-moi ce que tu veux, mais j’en suis. Il faut faire tomber sa tête. Elle est dangereuse pour nous tous. »

Je souris une nouvelle fois. J’ai trouvé mon gardien des lieux.

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