- Tant mieux.

Ouuuuuuuf ? Je veux dire. J'ai vraiment crû que le truc dans son dos allait me bouffer. J'sais pas du tout qui lui a tatoué ça mais je lui tire le plus gros chapeau que j'ai. Que j'ai pas en fait. Je lui tire le gros chapeau de Madame Parks où José et moi on s'étaient caché un jour. J'vous jure qu'il était assez grand. Ou peut-être que c'est moi le gringalet ? Aaaaaaaaaaaaaah peu importe JE VIENS DE ME PISSER DESSUS À CAUSE D'UN DESSIN VOUS IMAGINEZ LA HONTE ???? ENCORE HEUREUX QU'IL ME REGARDAIT PAS !! MAIS SERIEUX !

- E-euh…

J'essaye de dire un truc quand il me regarde mais je décide que finalement je vais fermer maggle. Vous voyez ce sourire ? Ouaaaaaaaaais je le connais bien. C'est le sourire de Tia Victoria qui dit "Dios mio, Nahuel, ta tête toujours perchée sur un nuage, c'est plus vivable !" Mais ce truc, vous voyez ? Beh ce truc est toujours caché entre un beaaaaaau souriiiiiire super beau et chaleureux et un battement de paupière. Et le missile-chankla qui arrive après. J'avale ma salive et cligne des yeux, force un sourire sur mon visage. Je vais faire comme si j'avais pas compris, comme ça je peux éviter le coup de sandale. Enfin là le coup d'oni. Beh quoi ? Comment j'sais pas si ce machin peut pas bouger, hein ?! Sueur froide.

- Allez on va rejoindre ton frère. Sinon il va s'inquiéter. Tu diras que tu t'es baigné avec tonton Genzo, ok ?
- E-euh carrément, oui !

Et je fais danser mon coude dans l'air, comme s'il venait de me proposer d'aller voir le dernier Ghibli. Je souris bizarrement là, nah ? Non mais je veux dire l'oni Lautaro qui va me cramer Lautaro qui va s'inquiéter moi moi qui me pisse dessus moi qui me fait sauver par un Monsieur Harada bref je pense que mon cerveau a court-circuité un poquito---

Bon bah moi je vais suivre tonton oni et arrêter de réfléchir, euh je veux dire, tonton Genzo. Voilà. Ta gueule Nahuel. Dans ta tête et ta bouche, ta gueule. Bon beh du coup je le suis, avec les membres pas que “rigides”, non genre je vous jure que c’est des planches de bois. Je sais exactement ce qui va se passer ensuite.

- NAHUEL !

… Je le savais. Voilà mon frère qui arrive ! Je crispe les lèvres en sourire forcé. Je répète ma réplique en boucle dans ma tête. “Hola hermano ! Estaba nadando con tío Genzo.”*  Purée de moustiques, ça a l’air teeeeeeellement pas naturel. Puis il arrive et le premier truc qu’il fait c’est qu’il me regarde et direct après Monsieur Genzo. Ouais comme quand je fais une connerie, l’habitude.

- Il va bien ? lui demanda-t-il, hyper inquiet. Dites-moi qu'il va pas tilter, dites-moi qu'il va pas tilter, dites-moi qu'il va pas tilter...

Ok Nahuel. Répète après moi. Tu t’es perdu. Puis t’allais te paumer dans la jungle. Puis Monsieur Harada t’as trouvé et t'a emmené à la rivière. Puis vous avez fait une bataille d’eau. Mais wait, comment tu fais pour te perdre avant de te paumer dans la jungle ? Et comment tu fais pour faire une bataille d’eau avec quelqu’un que tu connais pas ? AH MAIS CA SENT LE ROUSSI. “On s'est bien amusé.” Lautaro cligne des yeux. Svp svp dites moi que ça va passer dites-moi qu’il va pas poser plus de questions. “Par contre, on s'est pas mal trempé et certaines de ses affaires le sont aussi du coup... J'espère que ça ira ?” Ok mon menton fait un peu mal à force de le serrer là.


Et puis Monsieur Harada se penche vers moi. Et puis je vois le feu au fond de ses yeux. Idem que Tia Victoria avec ses énormes sourires qui nous disent d’arrêter les conneries avant qu’elle ne crie feu et que les missiles pleuvent. “Je te laisse avec ton frère Nahuel ? Ça va aller ?” Je pense que j’ai jamais avalé ma salive plus lentement de ma petite vie. J’acquiesce, un énoooorme sourire carrément naturel sur le regard euh visage ! Lautaro sourit et hoche la tête à la deuxième question, comme il fait avec mes professeurs quand il les croise dans la rue. “Merci beaucoup pour votre aide, Monsieur. Et ne vous en faites surtout pas pour les affaires ! Nahuel est en sécurité grâce à vous !” et avant qu’il ait le temps de me regarder: “Oui ! Merci beaucoup !!"

On regarde Monsieur Harada partir puis on marche vers la plage une nouvelle fois, mais Lau ne dit rien du tout. Puis on s’assoit en face de l’océan, et moi je mange les biscuits qu’il m’avait gardé du buffet du buffet du matin alors que lui admire l’océan. Il doit probablement penser à tout ce qu’il m’a raconté sur comment les natifs américains ont eu une relation particulière avec l’océ—

“Et sinon ? Tu veux bien me raconter ce qu'il s'est vraiment passé ?"

Je m’étouffe presque avec mon biscuit.  “H-h-hein ?” Lautaro me regarde intensément. “Je te connais, Uelito. Et ta réaction me dit que je ne sais pas tout.”

… Ok, this probably means story time.