Allyn n’avait pas perdu son temps. Comme d’habitude, finalement.
Elle avait entendu la rumeur, comme un peu tout le monde, et comme personne, elle s’était mise en tête que la question était vite répondue.

Première ? Dans une course pour une paire de cornes ? Elle avait besoin de leur rappeler les bases de cette société ?

- Les chasseurs, c’est fait pour chasser, conclut-t-elle en elle-même.

Et la conclusion la satisfit juste ce qu’il faut.

La vérité derrière toute cette fierté mal placée, c’était que cette histoire l’avait touchée.
Elle n’aurait su dire quoi ; dans l’évocation d’un être effleurant le divin ; sa majestuosité ; les émotions provoquées.
C’était comme de la curiosité, avec l’émerveillement en plus.

C’était peut-être la sensation des enfants lorsqu’ils jouaient à la chasse au trésor.

Une intuition bien à elle.

Des coins d’Aisiki, il y a de ceux qui sont si enchanteurs qu’on a décidé de les appeler « Forêt enchantée ». Et Allyn pouvait confirmer de ses yeux sombres.
Les arbres qui se ployaient effleuraient de leurs ramures un air de jamais vu.
Seule – une solitude qui résonne différemment lorsque la nature vous entoure. Seule et enfin retrouvée, aux confins de ses propres terres. Allyn avait encore des mots humains résonnant dans ses oreilles.
Ou était-ce sa tête.

« J’ai pas un brave parmi vous ? »

Ah, parce qu’elle avait encore ses preuves à faire ?

Elle s’en foutait clairement de la récompense. Elle s’en claquait comme de la date de la dernière pluie.
Quitte à finir trempée, ou riche. Qui en avait quelque chose à faire.
Elle passerait l’argent dans un cadeau pour Dihya – en voilà, de l’argent bien investi.

Et parce que les frissons qu’elle ressentit en entrant droit dans la forêt…
...Ces frissons là, ils n’avaient pas de prix.

Walking on foreign ground, like a shadow
Roaming in far off territory
Over your shoulder stories unfold
You're searching for sanctuary

Le trajet se fit donc sans encombres, de sa petite case jusqu'à l'entrée de cette forêt... Cette forêt.

Si Allyn était partie un peu avant l'aube, c'était bien avant tout pour profiter du spectacle qu'offrirait le lever du Soleil.
Après tout, il ne fallait pas beaucoup de trotte de son village jusqu'à ce coin reculé... Pour avoir traversé l'île, Allyn avait une vision bien relative des distances ; néanmoins celle-là était, avec assurance, des moins grandes.

Le même bout de terre, la même contrée. La mienne.

Allyn la connaissait sur le bout des doigts. Non, mieux, jusqu'à ce que ses ongles, yeux fermés, puissent dessiner quand même un plan d'Aisiki ; parce qu'elle était nulle en dessin, mais qu'elle s'ennuyait trop pour ne pas être devenue une experte en projections mentales.
Oui.
Ici, il y a telle rivière. Il faut emprunter tel chemin pour déboucher sur telle clairière.

Lorsqu'elle rejoignait pareils sentes, elle ne se demandait plus pourquoi était-elle une si bonne chasseuse. Après tout, ça coulait de source ; connais le terrain et tu connaitras un peu ta proie.
Non, sans aller jusque là, ça pouvait quand même aider.

Tout ça pour dire que le trajet ne dura pas longtemps ; juste assez pour qu'Allyn se plonge en pleine introspection - qui était après tout une forme de voyage.
Elle pensait surtout au fait qu'elle n'avait jamais vraiment exploré cette forêt. D'un côté, il n'en manquait pas dans le coin ; pas étonnant qu'elle ne les connaisse pas toutes. De l'autre...

... Ouais, y avait bien autre chose.
Un semblant de superstition, quelque chose comme, attendre le bon moment. Le moment viendrait où ses pas la conduirait devant ces arbres. Et il avait fini par venir, n'est-ce pas ?

Ah, maintenant qu'elle voyait ces arbres, elle comprenait mieux.
Elle savait pourquoi elle avait tant attendu.

Parce que c'était, décidément, le bon moment pour y entrer.

Derrière elle, le Soleil venait de se lever.

Jour un, le soleil venait de se lever.
Oui, quand Allyn pénétra dans la forêt, elle savait que ce n’était que le premier jour.

En avançant parmi les mousses grises et vertes, la chasseuse se faisait cette réflexion ; oh combien chaque début d’aventure donne un goût de… Début. Commencement. Un pas après l’autre ; chaque pas la rapprochant plus près du moment où ça se terminerait.

Son chemin avait-il une fin, au final ? Pas vraiment.
Il y avait quelque chose de plus complexe dans chaque traque. Peut-être, déjà, parce que ce n’était pas un voyage linéaire. C’était une investigation détaillée, à plusieurs ramures ; qu’elles se ploient à ses pieds, tandis qu’elle foulait le sol forestier.

Chaque chose autour d’elle n’était qu’un détail perdu au milieu d’une plus grande image. De ce scarabée métallique à la pointe de ce brin d’herbe.
Chaque chose avait son importance, petite comme elle l’était.
Allyn avait aussi la sienne.


- Ok, la journée ne fait que commencer. J’attends jusqu’à la nuit.

Fut ce qu’elle récapitula à voix haute.

Dans sa tête, c’était un schéma beaucoup plus détaillé : déjà, elle n’était pas sans savoir que le cerf est un animal nocturne. Faut avoir quelques bases quand même.

Était-ce un choix tout à fait calculé de venir si tôt ?

- Je vais pouvoir utiliser cette journée pour prendre mes marques.

….. Oui, à 1000000000000000 pourcents..