"Mille millions de mille sabords"

Ft. @ESTEBAN A. QUÍLEZ

Ok. Je venais de comprendre. Cette personne en face de nous n’était de tout évidence pas indifférente à mon charme naturel et à mon corps d’Appolon. Mais qui étais-je pour le blâmer ? N’importe qui me trouverait incroyablement beau ! Sauf que bon … Ce n’était pas mon genre, puis il lui manquait une paire de boobs quoi.

On n’avait pas eu le temps définir un mot d’alerte comme l’avait proposé Estebro plus tôt, résultat, on se retrouvait dans la mouise, sans aucune échappatoire. Normalement, ce genre de situation me faisait rire, mais là, j’craignais un peu pour ma vie. J’avais envie de me mettre à genoux, et de lui supplier de manger Estéban d’abord, que sa chair était probablement plus épicée que la mienne (bien que probablement fermentée), mais la question de mon bro me tira hors de mes pensées.

Je lui répondais moi aussi en chuchotant, un sourire crispé :

- Je crois pas non. Enfin y a des gens y a quelques temps qui sont partis de leur côté et qui ne sont jamais revenus, mais je doute honnêtement que ce type soit l’un deux. J’ai passé l’intégralité de la croisière à l’extérieur sur le pont, ou encore dans la salle de karaoké et la salle pour manger, et j’l’ai jamais croisé. Sur ça, j’ai bonne mémoire.

Si je cherchais à me rassurer en répondant à Estebro, c’était raté. Je réalisai moi-même après avoir terminé de parler que ce type n’était clairement pas l’un des nôtres. Mais alors, cela signifiait qu’il y avait d’autres gens sur cette île ! Après tout, on n’avait jamais eu la certitude d’être sur une île... Si ça se trouve, on était sur une presqu’île sur les côtes du Brésil. Ce qui expliquait le manque de gout terrible de sa tenue. La tendance gladiateur, c’était soooo années 2012.

Par contre, le mec parlait anglais ! C’était donc très certainement un guide touristique. Peut être étions nous même à l’entrée d’un parc d’attraction ? Après tout, toutes les excuses que je pouvais trouver étaient valables tant qu’elles ne supposaient pas qu’on avait affaire avec un tueur en série.

Puis Esteban ajouta une explication à la liste des raisons que je me faisais ? Une caméra cachée ! Oui, probablement ! Un film de … de gladiateur de la forêt… Peut être un remake de Robin des Bois version amazonie ? Ça avait l’air prometteur ! J’irai bien le voir au cinéma. Peut être allions nous apparaître dans le film alors ? Dans ce cas, nous avions affaire avec un type chargé des auditions !

Lorsque le mec s’approcha de nous et dis à Esteban de dégager, je compris de suite la vérité. Il voulait que je sois sa starring guest ! Et de toute évidence, Esteban n’était pas assez fabulous pour jouer ce rôle. Son clin d’œil confirmait mes dires.

En bombant mon torse et en arborant mon sourire le plus cinématographique à la Jim Carrey, j’allais lui répondre quand Esteban s’interposa. Ni une ni deux, je continuais :

- Mais enfin Esteban, tu n’as toujours pas compris ? C’est une audition ! Laisse-moi faire !

Puis me rapprochant du garde, je lui serrai la main, en ajoutant :

- Moi c’est Aiden. Aiden Dean Sanders. Je suis encore jeune, j’ai 24 ans et je suis plutôt beau. Je pense que je serai un excellent choix, si vous me choisissez, j’accepte d’être votre starring guest ! Voulez-vous bien nous emmener au lieu du tournage avec mon pot/EUH assistant qu’on puisse rencontrer l’équipe de tournage ?

Je me tournais vers Esteban, petit clin d’œil, puis continuais :

- Aussi, vous auriez un téléphone ? Non parce que ça fait quand même super longtemps qu’on a échoué ici et on aimerait bien rentrer chez nous. Si on pouvait au moins prévenir nos proches qu’on est en vie, ça serait super aimable de votre part !

Cette fois ci Esteban, c’est moi , le beau Aiden Dean Sanders qui allait nous sortir de ce mauvais pas. J’avais toujours su que j’étais le héros principal, mais là, je méritais la légion d’honneur.

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"Mille millions de mille sabords"

Ft. @ESTEBAN A. QUÍLEZ

Quelles étaient les chances pour que le scénario tourne mal ? Y avait-il eu un espoir de toute manière dès le début ? N’étions-nous pas condamnés dès le départ ? Peut-être. Mais il fallait jouer le rôle à fond. Même si le mec était à fond dans son rôle. Mais j’aurai aimé qu’on mette en pause l’audition pour vraiment prévenir mes proches avec un téléphone. Enfin, peut être que si je réussissais l’audition, je pourrai les appeler ?

Par contre, j’aurai aimé lire un semblant de script avant l’audition. Parce qu’il était quand même vachement tactile l’acteur, et pas que ça me dérangeait – quoi que quand même – mais j’aurai aimé être préparé psychologiquement.

Esteban, bien qu’hésitant sur le ton qu’il employait lorsqu’il parlait, arrivait bien à suivre l’improvisation ! Avec un peu de chance, on décrocherait tous les deux des rôles de choix dans ce film… D’ailleurs, étais-ce un film ou une série ? J’aurai aimé savoir, parce que le travail sur un film ou sur une série est différent. Dans un film, il faut tout miser sur l’évolution progressive, alors que sur une série, il faut envoyer du lourd dès le début pour fidéliser les gens. Bref, j’étais dans l’impro totale.

Surtout que je ne savais pas qui était cet acteur là … « Izeda ». Ça devait être ma maman dans le scénario, vu qu’apparemment, elle m’avait créé. Suivi de la petite tape sur l’épaule, je pensais qu’on touchait à la fin de l’audition, puisque généralement, celles-ci ne se constituaient que d’une seule scène de deux ou trois minutes (celles-ci furent interminables, mais bon, c’était chose faite).

Les choses auraient pu s’arrêter là.

Mais non.

Alors qu’il me guidait de l’autre côté de cette faille géante (où il faisait sombre mais aussi beaucoup plus frais, et heureusement, car je n’aimais pas la sueur), je levais un pouce en l’air en direction d’Esteban – mon assistant – pour lui assurer que tout allait bien, et qu’on avait surement terminé l’audition. Peut-être nous emmenait-il dans les loges des acteurs ?

Or je remarquais à cet instant qu’il s’était arrêté de marcher, surement pour reprendre ses esprits (et je le comprenais, les premières auditions étaient souvent une épreuve cardio). J’allais lui dire de se dépêcher mais le sol s’envola de sous mes pieds.

Me retrouvant soudainement dans les bras de l’acteur (et il me tenait bien le bougre), ce dernier se mit un courir si bien qu’en deux petites secondes à peine, l’obscurité avalait la silhouette de mon bro. L’acteur riait comme un déluré, et là, à cet instant, je compris que j’étais la merde.

Oh putain.

Prenant une grande inspiration, je lâchais un séduisant – car tout ce que je dis l’est – :

- AU SECOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUURS !!!!!!!!!

Je demandais à l’acteur, bien que je commençais finalement à avoir des doutes sur sa profession de ralentir et de me reposer à coup de :

- S’il vous plait monsieur, j’ai jamais tourné dans ce …  « genre » de film, alors vous voulez bien me reposer ? J’irai nulle part sans mon bro – euh – assistant. Là c’est de l’enlèvement … Au secours ?

Peine perdue il ne me reposait pas. Alors, tentant le tout pour le tout, je tentais d’attraper ce que je pouvais attraper dans mon sac (dans une poche sur le côté) et constata que je n’avais qu’une pauvre chaussette. J’étais dans la merde jusqu’au cou.

Alors dans un désespoir total, je jetais ma chaussette par terre derrière moi dans l’espoir qu’Esteban utilise son légendaire flair mexicain pour me retrouver. Et c’est dans les bras de mon ravisseur / acteur que je découvris ce qu’il y avait de l’autre côté de la brèche.

Pas d’acteur. Pas de cabane. Pas de civilisation. Encore et toujours de la forêt, des roches, du néant. Je voulais pas crever ici, alors dans le doute , j’essayais de me débattre de toute mes forces dans l’espoir qu’il lâche sa prise et que je puisse m’enfuir.

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Ft. @ESTEBAN A. QUÍLEZ

Alors que j’avais violemment frappé (et involontairement, je précise) mon ravisseur, il se rétama comme une merde à terre, et avec la grâce d’un hippopotame, je roulai sur quelques mètres pour me cacher un peu plus loin, en espérant que le mec soit inconscient et qu’il ne me retrouve pas.

Soudain, j’entendis un fracas et des injures au vu du ton. C’était Estebro ! J’espérais sincèrement qu’il ne s’était pas fait repérer par le garde. Mais quelques secondes après, je l’entendis proférer des « non ». Etait-il en danger ? Je pouvais pas laisser mon bro comme ça… Je pouvais pas aller le sauver tout seul non plus. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Rester cacher, observer, et les suivre si jamais…

Ah, il venait de m’appeler non ? Est-ce que Estebro l’avait assommé ? C’était du karaté mexicain ?

- Je suis là !

J’agitais la main en l’air avant de comprendre que ça ne servait à rien si je ne sortais pas de ma cachette. Je sortais d’entre la roche et de la végétation, et en regardant autour de moi, je compris que nous l’avions fait. Nous étions de l’autre côté de la brèche.

- Bro … On est de l’autre côté … Tu crois qu’on est mort ? Et mon ravisseur ?  

Je n’avais pas envie qu’il se réveille et qu’il tente de me kidnapper à nouveau. J’étais trop beau pour mourir.

Au premier coup d’œil, l’autre côté de la faille ressemblait beaucoup à ce qu’on trouvait de notre côté… Mais je n’avais pas envie d’aller plus loin. Peut-etre que je me dégonflais, mais après toutes ces émotions, mes ampoules, la peau du visage d’Estebro et l’inconnu, je n’avais qu’une envie : retourner au campement, dans ma tente, et dormir jusqu’à demain. Oui. En plus j’étais fatigué, et voilà que j’avais faim.

Près de l’entrée de la faille, il y avait une torche sur pied, un peu comme celui qu’on trouve au fond de mon jardin, « ambiance feng shui » disait ma mère. Mais là, c’était trop épuré. Trop sauvage. Trop pas feng shui.

J’en déduisais que ce n’était vraiment pas des acteurs. Et qu’on été peut-être tombé sur un … comment ça s’appelait… un aborigène ! Comme en Australie. D’ailleurs, j’étais parti surfer en Australie une fois. Sauf que je ne sais pas bien surfer. En fait, j’étais resté sur le bord de la plage, avec ma planche d’une main, l’autre sur ma hanche, en ravalant mon courage.

En tout cas, une chose était sûre, et mon instinct de beau gosse me le confirmait : On n’était pas vraiment en sécurité ici. Je n’avais pas d’appareil photo sur moi. On ne pouvait pas ramener de preuves aux autres du campement… On n’avait rien à part un … MAIS OUI ! LE KIDNAPPEUR !

- Bro, si t’es d’accord, j’aimerai qu’on rentre au campement… Je sais qu’on a fait tout ce chemin, mais je pense qu’on n’est pas vraiment en sécurité ici… Et puis, si l’autre il se réveille, et se met à vouloir nous kidnapper tous les deux ? Pire ! S’il essaye de me kidnapper moi encore ?  

Je jetais un rapide coup d’œil inquiet en direction de là où se trouvait le kidnappeur.

- Si on raconte tout ce qu’on a vécu au campement, les autres ne nous croiront jamais… Il faudrait rapporter une preuve ou un truc du genre non ?  

Je pointais mon doigt en direction du kidnappeur

- Et si on ramenait l’arme qu’il t’a laissé ? C’est une bonne preuve non ? On n’a pas ce genre de lance au campement, et celle-là, elle est stylée en plus.  

Je n’avais pas envie de rester là plus longtemps.

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